Ce projet a été développé dans le cadre des Travaux Académiques Mutualisés Documentation, en 2016-2017, entre les académies de Limoges (Sylvie Delord, Sylvaine Cassez), Besançon (Frédérique Verdera, Raphaël Heredia, Marion Bazeaud, Florence Langlois, Christine Cattet, Lucie Bouvier, Fabienne Migneret, Valérie Hilaire), Versailles (Cyrille Lendormy) et Nice (Aurélia Riss, Armelle Cendo, Géraldine Mocquais, Sophie Sicard (Canopé), Caroline Soubic).
Problématique : En quoi les productions numériques “originales” peuvent faciliter l’expression de la sensibilité personnelle des élèves vis-à-vis de leurs lectures ?
1/ La lecture pour sensibiliser les élèves aux enjeux esthétiques et humains d’une œuvre artistique
Pour réaliser une production originale à partir d’une lecture, l’élève analyse les thèmes, les personnages, les situations, l’intrigue, le style, afin de recueillir les éléments nécessaires à l’écriture du scénario de sa production.
L’élève devra aussi analyser ses émotions de lecteur (qu’ai-je ressenti face à telle situation ?, face à tel personnage ?, telle problématique du livre…) pour construire son point de vue, son parti-pris, qui servira de socle à sa production et qui en sera aussi un gage de réussite.
Grâce à cette analyse, nécessaire à l’élève avant de produire, la lecture peut agir comme un levier pour se comprendre, appréhender le monde et les autres, analyser ses émotions de lecteur.
2/ La lecture comme vecteur de création et de production chez des élèves rendus “acteurs et actifs”
Dans un deuxième temps, la lecture intervient comme un levier créatif : à partir de sa lecture, l’élève va devenir à son tour le créateur, le metteur en scène de ses émotions et de son ressenti de lecteur. Libérer l’expression créatrice des élèves permet de les conduire à une étape de construction. Cette étape de construction amène l’élève à une mobilisation de nouvelles compétences :
- Planifier son travail : il faut réaliser un plan du scénario.
- Se questionner (questionnement quintilien), trier, sélectionner les moments importants, les personnages principaux/secondaires, ce que l’on choisit de montrer (ou de ne pas montrer); de dire ou de ne pas dire. Pour réaliser sa production, l’élève peut choisir d’adopter le point de vue d’un personnage.
- Sélectionner : sur quels éléments de l’histoire mettre l’accent , et comment ?
- Organiser : quels sont les thèmes importants ? Comment les valoriser dans le scénario ? Pourquoi ?
3/ Co-écrire, co-construire en groupe ou avec l’enseignant
Les élèves ne sont pas exempts de la peur de la page blanche. Et écrire nécessite confiance en soi et implication personnelle. La co-construction du scénario va contribuer à amener l’élève d’une posture passive à une posture d’élève acteur/auteur de façon plus efficiente et dédramatisée.
En mutualisant leurs idées, les élèves vont pouvoir s’approprier leur projet et intervenir pleinement dans le processus de création et devenir force d’initiative et d’idées nouvelles : émulation et confiance en soi, développement de l’autonomie, confrontation et échanges, prise de risques.
La co-écriture favorise l’appropriation du projet par le collectif et donc l’émergence du groupe d’écriture collaborative.
Travailler, co-écrire en groupe contribue à l’émergence de nouvelles compétences :
- Savoir écouter
- Interagir avec l’autre dans le respect des idées et dans le mode de communication approprié
- Agir en tant qu’individu au sein du groupe, affirmer son identité
- Valoriser son point de vue
- Coopérer dans le projet collectif : l’écriture et la réalisation du booktrailer
4/ L’élève diffuseur de contenus, acteur de la mise en valeur des ressources du CDI
En intégrant au sein de la notice documentaire (au niveau du résumé), les productions des élèves mises en ligne (en reportant le code iframe), elles apparaissent sur le portail documentaire (esidoc) ; que ce soit des enregistrements hébergés sur soundcloud (présentations orales), sur YouTube (booktrailers, booktubes), des infographies (telles que piktochart).
L’élève est donc acteur du CDI et de son portail documentaire.
Exemples d’intégrations Portail E-sidoc collège Wallon
En valorisant les productions des élèves sur le portail documentaire esidoc ou par l’apposition de QR-codes sur les livres, renvoyant aux productions des élèves, on leur permet aussi de participer à la vie du CDI : leurs contributions, leurs productions originales permettront de valoriser les ressources présentes dans le CDI ; elles sont utiles à la communauté d’utilisateurs de l’établissement.
Ainsi, on rend l’élève responsable de son lieu de lecture qui devient un lieu d’expression mais aussi un lieu d’échanges.
Le CDI devient alors un laboratoire d’expérimentation où l’on peut trouver ressources, conseils et compétences par le biais des professeurs documentalistes, mais également des ressources matérielles qui permettront à l’élève de produire de façon originale.
Le rapport entre élèves et enseignants est alors modifié, dans le sens où il y a une co-construction, un enrichissement par l’échange d’idées.
5/ Utiliser des outils numériques pour produire du numérique en retour
Prendre en mains des outils, se les approprier, permet une meilleure compréhension des mécanismes à l’oeuvre dans la sphère du numérique, la façon dont sont structurés les objets numériques rencontrés sur la toile et d’acquérir une distance critique nécessaire. Apprendre à créer avec le numérique c’est aussi apprendre à “décrypter” le numérique.
Acquérir les techniques nécessaires à la manipulation des outils de création en ligne permet aux élèves de se familiariser avec des outils de création, de plus en plus utilisés par les médias (infographies, avatar, vidéos animées…).
6/ L’élève créateur-producteur dans la société du numérique – De nouvelles opportunités à maîtriser, des compétences à acquérir
Réaliser des booktrailers permet aussi à l’élève de développer des compétences info-documentaires. Cette activité permet de créer de manière responsable. Les notions liées à la propriété intellectuelles (droit de l’image, droit à l’image, utilisation de ressources libres de droits) sont abordées avec les élèves en s’engageant dans un projet de création et publication en ligne utile aux usagers de l’établissement.
Autre compétence à faire acquérir à nos élèves créateurs, la publication de manière responsable sur les outils de réseautage social. Réfléchir aux traces laissées sur le web, se créer une identité numérique individuelle au sein du groupe classe, prendre en compte les destinataires, éditorialiser du contenu, et diffuser sont des compétences intégrant la publication sur les réseaux sociaux.
Une autre compétence qui est travaillée dans ce type de projet est l’acquisition d’une pratique citoyenne des médias, en lien avec les compétences d’Education aux Médias et à l’Information (EMI).
Réalisation, publication d’une production numérique collective en prenant en compte les destinataires.
Intégrer la notion de propriété intellectuelle et de droit d’auteur en s’engageant dans un projet de création et publication en ligne, utile à la communauté d’utilisateurs de l’établissement.
Adopter le principe de redocumentarisation, tout en tenant compte des licences creative commons.
Mettre à disposition des ressources auprès de ses pairs qui pourront être réutilisées par le plus grand nombre, tout en utilisant des licences creative commons.
7/ La mise en commun des productions
Une façon comme une autre d’acquérir un langage et des compétences réutilisables hors champs scolaire, et d’affiner l’esprit critique par une écoute collective des productions finales.
Elle permet de développer des pratiques culturelles à partir d’outils de productions numériques.
C’est aussi un temps de valorisation de leur travail et de reconnaissance de leur investissement.
8/ Les modalités d’organisation des séances pédagogiques conduites dans le cadre de ce projet
Les professeurs impliqués dans ce projet ont été les professeurs de lettres.
Des partenariats ont également été développées avec les bibliothèques, le CLEMI (pour l’Académie de Nice, notamment pour la Minute livre sur Cap Radio (à voir ici), le Canopé, et la DANE.
Selon les projets et les niveaux, ils ont été menés dans le cadre de la classe, ou dans le cadre des EPI, tel en a été le cas notamment sur le Cycle 4, dans le domaine “Culture et créations artistiques”. (Collège Wallon La Seyne académie de Nice).
Au collège Roger Carlès à Contes (académie de Nice), des booktrailers ont été réallisés dans le cadre de l’AP, en partenariat avec un professeur de lettres. Les booktrailers du collège Roger Carlès
Une émission littéraire et une scène filmée d’un passage de livre ont été réalisés dans le cadre du prix littéraire Paul Langevin.
Dans l’académie de Besançon, les booktrailers ont été réalisés dans le cadre d’une participation au concours Littér@tice : réalisation de booktrailers en vue de l’élection du meilleur à partir du corpus proposé dans la base esidoc Littér@tice. Les booktrailers ont été réalisés le plus souvent dans le cadre des cours d’accompagnement personnalisé et de français pour les lycées.
Au collège Victor HUGO de Tulle (académie de Limoges), les booktrailers ont été scénarisés puis réalisés, en collaboration avec un professeur de français, sur les créneaux horaires communs français/EMI (2h/quinzaine).
Au collège George Sand à Magnanville (académie de Versailles), les productions ont été conçu et réalisé dans le cadre du club manga hebdomadaire animé par le professeur documentaliste et sur le créneau de l’heure d’EMI du dernier trimestre d’une sixième qui participe au Prix des Incorruptibles.
Voici les productions réalisées dans le cadre de ce projet :
Les productions du collège Henry Wallon
Prezi de présentation à Ecritech et aux Rencontres de l’Orme
Prezi “comment faire un booktrailer”
Le concours Littér@tice 2016-2017
9/ Les pré-requis, les démarches administratives, les freins, les difficultés techniques éventuelles liées à ce type de projets
Avant de se lancer dans un tel projet, il est nécessaire que les élèves aient été sensibilisés aux droits à l’image, aux droits de l’image, à la notion de droit d’auteur, et aux droits de partage et utilisations des licences creative commons (cf article Wikipédia).
Avant de réaliser les types de productions faites cette année (infographies, booktrailers, capsules audios, animations), il est important de scénariser, de faire appel au questionnement quintilien, le choix de l’outil pour la réalisation de la production viendra par la suite. Cela permettra également de réfléchir aux lieux nécessaires pour la réalisation du booktrailer (en tenant compte des autorisations nécessaires s’il y a lieu).
Mettre en place ce type de projet au sein d’un établissement, même si l’engouement est partagé (enseignants de français, élèves) n’est pas toujours sans difficultés. Elles peuvent concerner plusieurs aspects :
Les démarches administratives : Sur tous les outils en ligne, et la plateforme de streaming, il est nécessaire d’avoir un compte classe avec lequel les élèves peuvent écrire, produire. Pour cela, il est nécessaire d’avoir l’accord du Chef d’établissement, qui est le directeur de publication du compte. Une charte d’utilisation des outils doit être rédigée avec les élèves. Il faut également faire remplir aux responsables légaux (pour les élèves mineurs) ou aux élèves majeurs, les autorisations de captations d’images, de sons, mais également les autorisations individuelles de publication ( boîte à outils d’éduscol). Le conseil d’administration doit également être informé de l’ouverture de ces comptes et de l’utilisation pédagogique qui en est faite.
L’aspect technique : Si on utilise des outils en ligne tels que moovly, powtoon, animoto, animaker, le débit interne de l’établissement doit être suffisant pour ne pas ralentir le travail des élèves quand ils travaillent ensemble.
Tous les établissements ne bénéficient pas de tablettes. Il est possible pour ce type de projets de se tourner vers les Canopé ou la DANE pour des prêts de matériel mais également un accompagnement pédagogique. Avant la séance, il est nécessaire de vérifier que les applications fonctionnent correctement, ou ont été paramétrées. Il faut également vérifier s’il y a besoin d’utiliser, ou pas, la connexion à la borne Wifi de l’établissement (s’il y en a une), tout en prenant en considération les aspects techniques liés à cette connexion. Par exemple, pour utiliser iMovie, il n’y a pas besoin de connexion internet. Pour utiliser adobe voice, il n’y a pas besoin de connexion internet, cependant, il faut avoir paramétré au préalable l’application avec un compte adobe, pour cela il faut une connexion internet.
Les habiletés numériques des élèves peuvent être d’une grande hétérogénéité. Sur un tel projet, il est important de répartir les rôles entre les élèves, entre les capacités rédactionnelles, techniques, esthétiques. Chaque élève trouve sa place au sein du groupe.
Les attentes des enseignants : certains collègues ne se rendent pas toujours compte que ce type de productions demandent du temps. Du temps pour scénariser, du temps pour prendre en mains l’outils de création, du temps pour harmoniser le travail au sein du groupe, du temps pour se tromper… Et recommencer !
Il est donc important d’établir en amont avec notre partenaire dans ce projet (qui est souvent le professeur de français) un nombre de séances suffisant, adapté aux besoins des élèves afin de leur permettre de réaliser des productions de qualité dont ils pourront être fiers, qu’ils auront envie de montrer (à leur famille ou leurs amis) et de partager (réseaux sociaux, site d’établissement, concours, défi Babélio, prix littéraire à l’adresse des collégiens (Prix Paul Langevin).
10/ Vers un concours académique créafictions
Mise en commun hors les murs de l’établissement : un concours à l’échelle académique permettrait de créer une dynamique autour de productions originales réalisées par les élèves à partir de leurs lectures.
Notre réflexion, notre travail et nos retours d’expérience nous permettent aujourd’hui de finaliser le cahier des charges d’un concours.
CAHIER DES CHARGES POUR UN CONCOURS DE BOOKTRAILERS
Objectif : rendre compte d’une lecture en favorisant la créativité des élèves
- Choisir un livre
- Définir la forme, les outils, le support de diffusion…
- Un Booktrailer ?
- Une chronique type booktubers ?
- Une présentation orale ? Présentation à l’aide d’un avatar du type tellagami ou Voki / Une critique radio ? Une émission littéraire ?
- Une infographie ?
- Une critique littéraire partagée sur un portail documentaire, un site d’établissement, un réseau social ?
Le modèle suivant de cahier des charges concerne spécifiquement la réalisation de booktrailers mais peut être repris pour les autres productions.
Cahier des charges pour la réalisation d’un booktrailer :
- Outil de présentation pour les profs : Réaliser un booktrailer
- Grille d’évaluation d’une vidéo : Evaluer une vidéo
Avec quels outils ? Quelles applications ?
- Avec tablette :
- outil capture vidéo / audio de la tablette + imovie (attention pour les vidéos iMovie: prévoir de télécharger sur l’ordinateur sa production en MP4, avant l’export sur la plateforme de streaming)
- Moovly (payant depuis mai 2017)
- Adobe voice (nécessité de paramétrer l’application avec un compte adobe avant utilisation)
- Animoto (payant depuis avril, mai 2017)
- Avec PC :
- caméra / tablette / appareil photo
- windows movie maker
- Powtoon
- Animoto (payant depuis avril, mai 2017)
- Animaker
Etape 1 – Écrire le scénario / préparer le tournage
Le scénario doit être le plus détaillé possible pour une réalisation rapide.
- Découpage de l’histoire en plusieurs séquences narratives.
- Découpage de chaque séquence en plusieurs plans
- Diapo / Séquence 1 : Accroche
- Diapo / Séquence 2 : Contexte Qui, où, quand ?
- Diapo / Séquence 3 : Présentation / image / vidéo / illustrant l’action
- Diapo / Séquence 4 : Intérêt du livre / atmosphère / ambiance / genre / tonalité
- Diapo / Séquence 5 : Titre / Auteur / première de couverture
- Diapo / Séquence 6 : Adresse au lecteur / Signature / mentions légales
- Élaboration d’un story-board (vers la fiche)
- Établir le plan de tournage (qui fait quoi ? liste des autorisations)
https://www.reseau-canope.fr/raconte-ta-ville/des-eleves-auteurs.html
Etape 2 : Réaliser et monter
- Dimensions et poids de la vidéo : 1280 x 760 pixels (la vidéo doit respecter un ratio 16:9 et être minimum d’une taille 1280 x 720 pixels pour la HD)
- Formats de la vidéo à l’export : mp4
- Format des images fixes = png ou jpg
- Durée maximale : entre 1:30 – 2:30
- Conseils sur la qualité du son et de l’image (stabilisée)
Etape 3 : Visionner et Valider
- Les droits à l’image des personnes et lieux filmés ou photographiés sont bien cités
- Droits de captations des sons
- Mentionner les droits d’utilisation des images fixes et animées (qu’elles soient produites ou repiquées)
- Mentions légales : citer les prénoms des élèves (ou pseudos), les sources des médias récupérés en ligne (privilégier néanmoins les productions des élèves). Pour pouvoir citer les noms des élèves, avoir l’autorisation écrite des responsables légaux.
Etape 4 : Diffuser
Dépôt des vidéos :
- Pour l’académie de Besançon : médiacad
- Pour l’académie de Nice : acamédia
- Youtube / Dailymotion
Etape 5 : Valoriser sur les portails documentaires
Critère à prendre en considération : la durée de validité des autorisations parentales pour la captation d’images et de sons
En Conclusion :
Encourager les élèves à réaliser des productions originales à partir de leurs lectures, s’inscrit dans une politique d’incitation à la lecture « plaisir » et au bien-être. La lecture de certains livres peut aussi servir parfois de « guides » d’apprentissage dans la vie des adolescents.
Amorcée au CDI avec le professeur-documentaliste, cette relation au livre et à la lecture constituera pour les élèves une base solide pour la connaissance de soi et des autres, le ressenti et la verbalisation des émotions, une meilleure appréhension des affects, éléments nécessaires à la construction d’un sujet autonome, curieux, critique, capable d’interagir avec son environnement.
Les membres du groupe Littér@tice – doctice