Les influences de l’art japonais dans le manga et l’art français

Au mois de janvier 2023, le manga était à l’honneur lors de la 50^e édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, avec pour invité Hajime Isayama, célèbre mangaka de la série phénomène L’Attaque des Titans.  L’exposition L’Attaque des Titans, de l’ombre à la lumière lui était d’ailleurs consacrée.

En France, l’engouement pour le manga ne faiblit pas depuis les années 1990. Par extension, l’art japonais fascine encore aujourd’hui et inspire de nouvelles générations d’artistes comme Caroline Maurel et Arno Metz, qui adoptent un style moderne japonais dans leurs œuvres. Ce scénario pédagogique ancré dans l’enseignement de spécialité d’Histoire des Arts en classe de Première questionne l’influence de l’art japonais sur les artistes français du 19e siècle à aujourd’hui, et met en lumière la rencontre entre l’estampe japonaise et l’art de la bande dessinée. Cet article est ponctué d’encarts « Le saviez-vous ? », de manière à proposer des zoom sur les estampes japonaises et l’univers des mangas.

En route pour un voyage initiatique à travers le temps et l’art japonais pour comprendre son influence sur les artistes occidentaux et les mangakas français tels que Camille Moulin-Dupré.

Le saviez-vous ?

L’influence de l’art japonais sur les artistes occidentaux se manifeste dès la fin du 19ème siècle avec l’impressionnisme, mouvement artistique plus connu sous le nom de japonisme. On parle également d’« art japonesque ». Dès les années 1860, la France découvre la civilisation japonaise et surtout son art, provoquant un véritable chamboulement dans toutes les disciplines artistiques.

1.Eléments de cadrage 

Niveau et effectif : 1ère enseignement de spécialité Histoire des Arts, 17 élèves

Disciplines : Documentation, Arts plastiques

Durée de la séance : 2 heures

Prérequis : en amont de cette séance en collaboration, les élèves ont bénéficié du cours « La BD au 19e siècle. La naissance des grands genres de la BD » assurée par le professeur de la spécialité.

Liens avec le programme de l’enseignement de spécialité HDA : synthèse à découvrir dans le document ci-dessous

Objectifs pédagogiques : 

• Découvrir le genre du manga,
• Identifier les caractéristiques de la bande dessinée japonaise,
• Comprendre les liens entre art occidental et art japonais, en particulier les influences de l’art japonais sur l’art français du 19e siècle,
• Étudier les liens entre la bande dessinée et l’estampe japonaise à travers le genre du manga et l’analyse des œuvres de Camille Moulin-Dupré (auteur français de manga Le voleur d’estampes aux éditions Glénat).

Compétences info-documentaires : d’après la matrice EMI TraAM de l’académie de Toulouse 2016, niveau 3 – lycée

• Objectif 1 : être auteur

Autorité : l’élève sait reformuler la pensée d’un auteur, au besoin l’organiser, la compléter ou encore la citer en utilisant les guillemets.

Pertinence : l’élève est capable de faire évoluer la pertinence d’une information en fonction du contexte de sa recherche : production visée, public et place de cette information dans son argumentation (illustration, argument nouveau, type de source…).

Publication : l’élève sait coopérer avec ses pairs dans l’objectif de réaliser un document collaboratif. L’élève comprend que l’activité de publication engage sa responsabilité d’auteur.

Droit de l’information : l’élève sait respecter les droits d’auteurs.

• Objectif 2 : Partager des informations de façon responsable (reproduire, produire)

Redocumentarisation : l’élève sait mettre en forme les informations qu’il a prélevées en privilégiant l’exhaustivité des sources et l’éventuelle chronologie des arguments qui se répondent. Il connaît d’autres formes de redocumentarisation telle que l’insertion d’un document dans un autre document.

CRCN (Cadre de Référence des Compétences Numériques) : 

Niveau de maîtrise 5 (lycée)

Domaine 1 : Information et données

• Citer ses sources

Domaine 2 : Communication et collaboration

• Organiser et encourager des pratiques de travail collaboratif adaptées aux besoins d’un projet

Domaine 3 : Création de contenu

Créer un objet multimédia

Finalité de la séance : il est attendu de l’élève qu’il soit capable, en fin de première, de rédiger à l’écrit ou d’exposer à l’oral un commentaire organisé d’une œuvre ou d’une production artistique.

Le saviez-vous ?

Depuis le milieu des années 1990, la France a développé un vrai engouement pour le manga. Elle représente aujourd’hui le deuxième marché mondial après le Japon. Des éditeurs tels que Glénat produisent leur propre manga et ont initié un mouvement : « La Nouvelle Manga », en collaboration avec des artistes franco-belges et japonais.

2.Déroulement de la séance

Première heure (par le professeur d’Arts plastiques). Objectif principal : introduire le manga en classe.

• Le manga, un genre artistique aux origines anciennes, et parallèle à la bande dessinée occidentale. Les influences américaines dans le développement du manga au XXe siècle (cinéma, dessin animé),
• Qu’est-ce le manga ? Le récit d’images, la construction du manga. Entrée par le manga pour aboutir à l’estampe,
• Découverte du travail de Camille Moulin-Dupré. Comprendre la démarche créative du mangaka : un artiste qui crée un pont entre Orient et Occident,
• Distribution de la fiche-synthèse sur les débuts du manga.

Le saviez-vous ?

Bien que le terme « manga » existait déjà au 18ème siècle pour désigner de petits recueils de récits où l’image servait de moteur narratif, c’est Hokusai Katsushika (1760-1849) qui contribua véritablement à populariser son utilisation. Se traduisant par « image dérisoire » ou « esquisse au gré de la fantaisie », le manga est une bande dessinée japonaise. Par extension, il désigne des réalisations étrangères, dessins animés ou autres produits dérivés… respectant les codes visuels et graphiques des productions japonaises (source).

Deuxième heure (par le professeur documentaliste). Objectif principal : collecter des informations sur les influences de l’estampe japonaise dans le manga Le voleur d’estampes de Camille Moulin-Dupré et chez les peintres du 19^e siècle, puis restitutions orales.

L’activité proposée est à réaliser en groupe. Les élèves de Première doivent retrouver les influences de l’estampe japonaise selon deux thématiques de travail précisées ci-dessous. A partir de la sélection de deux illustrations, ils rendront compte de leur analyse sous la forme d’une courte présentation orale. Au vu du temps disponible, le professeur documentaliste a préparé un corpus de documents accessibles depuis un mur collaboratif, que les élèves consulteront. Ce mur sert aussi de support de recension, il devra aussi être alimenté de leurs trouvailles (illustrations, notes). Enfin, certains conseils leurs sont présentés de manière à gagner en efficacité. Vous retrouvez les différentes étapes à la suite.

a) Présentation de l’activité (à l’aide du support interactif ci-dessous)

À partir de la sélection d’une ou deux planches du manga Le voleur d’estampes de Camille Moulin-Dupré, identifier :

• Axe de travail 1 : l’influence de l’estampe japonaise dans le travail de Camille Moulin Dupré
• Axe de travail 2 : l’influence de l’estampe japonaise chez les peintres XIXe siècle, début du XXe siècle (impressionnisme/réalisme)

b) Présentation de la démarche de travail

c) Présentation de la production attendue : présenter en groupe, son travail d’analyse en trois minutes maximum.

d) Points de vigilance à destination des élèves :

• Organisez-vous, répartissez-vous les tâches,
• Veiller à une répartition équitable du temps de parole de chacun.e,
• Respectez le temps alloué,
• Vous avez droit à vos notes durant l’exposé, mais évitez de les lire (elles serviront de rappel en cas d’oubli),
• Les images sélectionnées illustreront votre discours. Ajoutez-les directement sur le mur. Pas de quantité imposée. Viser la qualité plutôt que la quantité,
• Pensez à citer vos sources même oralement.

e) Présentation du mur collaboratif et de son fonctionnement

f) Constitution de quatre groupes de 3 ou 4 élèves

g) Phase de collecte d’informations / alimentation du mur collaboratif (choix des planches + autres illustrations) / préparation de l’exposé sous forme de prise de notes

h) Restitution orale

Le saviez-vous ?

L’estampe fut une révélation pour de nombreux artistes tels que Van Gogh (qui recopia de nombreuses estampes d’Hokusai et Hiroshige), Manet, Gauguin, Degas, Toulouse-Lautrec et les Nabis.

3.Prolongements 

Ce travail préparatoire est une amorce à une prochaine séquence, au cours de laquelle chaque élève présentera son travail à la manière de Ma thèse en 180s. La méthodologie de prise de notes via un document de collecte et en partant des nouveaux comportements informationnels ou pratiques des élèves sera un objectif du professeur documentaliste : « Passer du Copier-coller au Copier-reformuler au Copier-créer ».

• Première étape : copier-coller

À l’aide d’un outil d’éditorialisation (Microsoft Word online accessible depuis l’ENT), et à partir du corpus documentaire, collecter des informations par une sélection d’extraits.

• Deuxième étape : copier-reformuler

Cette étape vous permet de vous réapproprier le contenu préalablement sélectionné, de faire des regroupements d’idées ou au contraire les opposer, de citer vos sources. Vous devez ici reformuler le contenu et le synthétiser. Vous devenez auteur !

• Troisième étape : copier-créer

Quelle forme souhaitez-vous donner à votre exposé ? Comment rythmer votre présentation, lui donner un caractère original ?  Libérez votre créativité !

Le saviez-vous ?

Création atypique mariant l’art de l’estampe et le numérique, le manga Le voleur d’estampe (2 volumes) de Camille Moulin-Dupré raconte une romance impossible dans un Japon traditionnel.

4.En guise de conclusion

Outre la collaboration professeur documentaliste – professeur d’Arts plastiques sur une thématique originale, cette séance permet d’aborder le manga différemment, selon un point de vue historique, et de comprendre comment la culture japonaise nourrit encore l’art occidental sous toutes ses formes. Cette mise en perspective entre origines, influences et créations contemporaines vise à nourrir l’argumentaire des élèves lors de leur future épreuve du baccalauréat. L’enjeu ici est de pouvoir établir des liens et distinctions entre des œuvres diverses, d’époques différentes et d’aire culturelle différente, mais aussi d’en comprendre leur genèse, leurs codes.  Notre intention est de leur faire acquérir des repères culturels liés à l’histoire et à la géographie des civilisations, qui permettent une conscience des ruptures, des continuités et des circulations dans cette rencontre avec l’estampe japonaise et l’art occidental et le manga. Ce scénario permet également d’étudier les liens entre la bande dessinée et l’estampe japonaise à travers le genre du manga.

Le saviez-vous ?

Le manga puise ses origines dans les emaki, premiers rouleaux narratifs illustrés datant de l’époque de Nara au 8^e siècle et les Ehon, livres d’estampes ukyo-e de l’époque Edo. Le premier véritable manga date de 1902. Il s’agissait à l’époque d’une BD humoristique publiée sur le Journal Jiji Shinpō. Son auteur, Rakuten Kitazawa, avait illustré le célèbre court-métrage français des frères Lumière : l’Arroseur arrosé (source).

5.Quelques ressources incontournables

• Estampes japonaises – Gallica
• La Manga – BNF Essentiels
• France/Japon – expositions BNF
• « Le Voleur des Estampes », romance japoniste – LeMonde.fr

Auteure : Anne Petit