Les TraaM Documentation s’emparent cette année de la question de l’intelligence collective au service des compétences du 21è siècle. La transformation du CDI est l’occasion d’interroger cette thématique à plusieurs niveaux.
Comment créer un environnement capacitant, qui favorise le développement des compétences de vie ? Comment mettre en œuvre l’intelligence collective pour créer un lieu qui réponde à l’évolution des pratiques, aux besoins des usagers et aux missions de l’Ecole ? En quoi la participation à cette transformation permet-elle de développer des compétences ?
Présentation du projet
En lycée polyvalent, nous avons lancé cette année un projet participatif de transformation du CDI qui a concerné l’ensemble de la communauté éducative mais plus particulièrement un groupe d’élèves volontaires. Dans une démarche de design thinking, l’objectif était pour eux de réaliser le diagnostic, de rechercher des idées et réfléchir ensemble à des propositions d’aménagement de l’espace et d’organisation du futur CDI, afin de les présenter au comité de pilotage du projet.
Cadre
- Nom du professeur documentaliste : Cécile Diet
- E-mail :
- Nom de l’établissement : Lycée Polyvalent Jacques Duhamel, 39100 Dole
- Niveau éducatif : Lycée général, technologique et professionnel
- Discipline : Documentation
- Domaine d’enseignement: enseignement professionnel, enseignement général, enseignement technologique
- Déroulé : 18h
- Matériel : vidéoprojecteur et ordinateur, smartphone des élèves
- Outils numériques : Digipad, Digiwords, Canva, Framaforms, ENT Eclat (blog)
- Mots-clés : espaces scolaires, design thinking, collaboration, projet
- Compétences du Socle commun : Domaine 1 – s’exprimer à l’oral ; Domaine 2 – Coopérer et réaliser des projets ; Domaine 3 – S’engager et prendre des initiatives
- Compétences CRCN : Domaine 2 – Communication et collaboration. Compétence 2.1 Interagir ; Compétence 2.2 Partager et publier ; Compétence 2.3 Collaborer
Au démarrage du projet
Le CDI du lycée a été créé il y a une trentaine d’années. Les usages ont évolué, les aménagements ont vieilli. Depuis plusieurs années, un projet de transformation se dessine dans l’esprit des professeures documentalistes.
L’objectif est multiple
- en faire un outil adapté à des pratiques pédagogiques multiformes et aux besoins éducatifs des élèves en lien avec les compétences du 21e siècle (créativité, esprit critique, collaboration, communication).
- En faire un espace commun : développer par le partage, l’appropriation du lieu par les usagers (élèves et professeurs), le bien-être, l’engagement dans la vie du CDI et la responsabilisation des élèves.
- Améliorer la lisibilité et des missions des professeurs documentalistes et des fonctions du CDI en articulation avec les autres espaces du lycée.
Le projet se veut global, l’objectif étant de réfléchir aussi bien à l’aménagement du lieu qu’à la vie du CDI (organisation, animation).
Le projet s’inscrit dans un temps long. Il est découpé en différentes étapes de travail.
Mobiliser l’intelligence collective
Le projet est présenté en septembre 2023 dans le cadre du dispositif Notre Ecole Faisons-la ensemble qui permet de bénéficier d’un appui financier. La dimension participative du projet est une condition à l’acceptation du dossier mais également une envie des professeures documentalistes.
L’idée est de réinventer ensemble le CDI, d’en faire un espace “commun”, imaginé collectivement pour coller au plus près des attentes et des réalités (besoins, missions, contraintes) mais aussi pour appuyer nos demandes d’investissement. Il implique différents groupes d’adultes, élèves ou étudiants avec des missions propres.
Le groupe des Remixeurs
- Si l’ensemble de la communauté est sollicité, le travail de réflexion revient en partie à un groupe d’élèves constitué d’une vingtaine de lycéens, volontaires, pour la plupart en classe de première, sollicités en priorité car ils connaissent déjà le CDI et peuvent se projeter sur un projet dont les premiers résultats ne seront pas visibles avant un an.
- Tous ne sont pas des habitués du CDI. Pour certains, embarqués dans l’aventure par les copains, c’est même la première fois qu’ils viennent “de leur plein gré”.
- Quelques élèves de la voie professionnelle ont manifesté leur intérêt mais un seul finalement s’est engagé dans le projet.
- Le travail démarre avec une certaine motivation des élèves mais également de sacrées contraintes : issus de classes et niveaux différents, ces élèves ne se connaissent pas.
- Ils n’ont pas ou peu de temps partagé pour travailler ensemble. Ils ont souvent peu de disponibilités et nous ne trouvons qu’un créneau de 40 minutes sur la pause méridienne chaque vendredi. Chaque élève impliqué est disponible au moins une semaine sur deux. A chaque séance le nombre d’élèves présents est variable (7-8 à plus de 20) et imprévisible.
- Ils s’engagent avec des motivations et des envies différentes dans un projet qui s’annonce long.
- Ils portent une lourde responsabilité : réfléchir en leur nom, mais également porter les besoins et attentes des autres usagers dans un projet aux conséquences durables.
On s’intéressera plus particulièrement dans cet article au travail avec ce groupe d’élèves volontaires.
Comment, au regard de ces contraintes, s’engager dans un projet long ; permettre à chacun de trouver sa place en faisant avancer le collectif ; réfléchir, produire et décider ensemble ?
En quoi les outils numériques peuvent-ils participer à la réussite du projet ?
1- Faire groupe
Le projet est clair et motivant : faire des propositions d’organisation et d’aménagement qui pourront être concrétisées dans la rénovation du CDI. C’est un objectif ambitieux et concret mais ça ne suffit pas à faire groupe.
Créer une identité de groupe
Le projet, par souci d’efficacité, a rapidement trouvé son nom : “CDI-remix ! Réinventons le CDI”.
Le terme de CDI-remix renvoie à un dispositif participatif qui s’inspire du projet Biblio remix mise en place d’abord en médiathèque. Il désigne “un dispositif d’expérimentation, d’invention et de création participatives, autour des services en bibliothèque”. Il correspond à un événement précis et formalisé habituellement mis en œuvre sur une journée. Même si notre projet s’inscrit dans la durée, nous avons choisi de garder ce terme qui colle à nos objectifs et méthodes : remettre les choses à plat, envisager des usages et des possibilités d’aménagement et d’organisation qui dépassent le cadre de ce que les élèves connaissent déjà, associer des partenaires aux profils divers : élèves, adultes de l’établissement, architecte, médiathécaire, etc.
Une identité visuelle a été créée et déclinée dans la communication interne et externe du groupe (sondages, affiches, espace, carte de “remixeur” pour l’accès à la cantine, etc.).
Pour donner une réalité physique au projet, un espace et des temps dédiés lui sont réservés au CDI : un créneau hebdomadaire est réservé aux réunions : le vendredi midi. Le Mur du projet matérialise cet espace et permet de suivre l’avancée du travail.
Une fois le groupe constitué, l’objectif des premières réunions est de donner une réalité à cette équipe :
Un jeu brise-glace est proposé au début de la première séance (1/4h): les élèves réunis en groupes de quatre doivent collectivement trouver un mot pour définir le CDI futur (5mn) puis les Mots choisis sont présentés et discutés en grand groupe.
Le groupe se met d’accord sur les outils de communication interne qui correspondent aux pratiques des élèves :
- Par souci d’efficacité, les élèves ont choisi d’utiliser leur outil de messagerie instantanée habituel pour la transmission des infos urgentes relatives aux réunions : sondage, liens vers les outils numériques utilisés, etc. Le choix ne s’est pas porté sur Blablaclasse pour des questions de temps et de simplification des échanges.
- Un blog est créé sur l’ENT du Lycée pour le compte-rendu des réunions.
- Des tableaux collaboratifs en ligne recensent les idées proposées
Très rapidement, le nom du groupe apparaît spontanément dans les différentes communications lancées par les élèves. Les Remixeurs sont dans la place !
Trouver sa place au sein du groupe
Pour qu’un groupe fonctionne, chaque individu doit avoir le sentiment d’apporter quelque chose au groupe, “d’être utile aux autres et que le groupe l’enrichisse en retour. Ainsi, le groupe fonctionne s’il y a interdépendance » (L. Reynaud): j’ai besoin des autres autant qu’ils ont besoin de moi. Cela implique de mobiliser les singularités quelles qu’elles soient.
Dès la présentation du projet, un questionnaire pour faire connaissance a été donné aux élèves intéressés pour Identifier les compétences disponibles dans le collectif (dessin, outils informatiques, etc.) mais également pour que chacun exprime ses propres souhaits et limites (intérêts particuliers, proposition de thématique, disponibilité et envie d’investissement).
L’idée est de permettre à chacun une implication dans le projet à la carte dans la mesure où ça n’empêche pas au groupe de fonctionner : on vient aux réunions selon ses disponibilités et envies (une fois par semaine ou une fois par quinzaine en général, moins pour certains).
Au fil du projet, certains élèves se spécialisent dans des missions ou thématiques particulières : rédaction de l’article hebdomadaire sur le blog, communication sur le groupe Whatsapp, modélisation sur la maquette, schématisation sur Sketchup, réflexion sur le numérique, etc.) D’autres participeront essentiellement aux temps de réflexion collective.
Se sentir écouté
Nous portons une vigilance particulière au fonctionnement du groupe.
Pour que chacun y trouve sa place, les temps de réflexions et créations collectives commencent toujours par un temps de réflexion individuelle qui permet à chacun d’enrichir le groupe de son apport personnel.
Chaque élève doit se sentir invité par le groupe à donner son avis. Au fil du projet, la prise de parole se fait plus naturellement. Chaque idée est l’objet d’une discussion et aucune n’est exclue même si elle n’a pas forcément sa place dans le futur CDI (voir 3- Faire ensemble, collaborer / Décider ensemble)
Un temps de rétrospective est mis en place début mars avant la dernière ligne droite (rapidement, les séances sont courtes) pour mesurer ensemble l’avancée du projet et le fonctionnement du groupe.
L’outil choisi est Mad Sad Glad
Cette technique de facilitation permet aux participants au projet d’exprimer leurs différents sentiments sur la période écoulée. Chacun formule trois avis au moins en trois colonnes :
- glad : ce qui me rend heureux, fier dans le projet
- sad : ce qui me rend triste, mes regrets ou inquiétudes
- mad : ce qui me met en colère
L’activité peut être réalisée en ligne (sur Digipad par exemple) ou en direct en utilisant un tableau et des post-it.
Elle permet de voir de définir ensemble des points d’amélioration du travail en équipe.
En savoir plus sur le déroulement de l’activité Mad, Sad, Glad.
2- Mener le projet à terme
Les contraintes d’emploi du temps de chacun et le temps long du projet sont des contraintes auxquelles s’ajoutent les incertitudes concernant la concrétisation des propositions.
S’approprier le projet
Notre démarche s’inscrit dans une pédagogie de projet.
Cela implique de « laisser le plus de pouvoir d’agir possible aux élèves » (L. Reynaud) même s’ils n’en sont pas à l’origine en s’engouffrant dans toutes les interstices du projet.
Ainsi les thématiques des réunions sont le plus possible définies avec les élèves, par exemple grâce à un sondage préalable sur Whatsapp sur deux ou trois propositions thématiques. Des sujets de réflexion ont ainsi été apportés par un ou deux élèves : quelle place pour la musique au CDI ? Comment lâcher son téléphone ? etc.
Après une première phase de réflexion, le groupe se met d’accord sur des balises pour la transformation du CDI. Elles synthétisent les valeurs, priorités ou objectifs des professeurs documentalistes et des élèves suite au diagnostic réalisé.
S’engager sur le temps long
Il est important que les élèves se rendent compte de l’avancée du projet, du travail accompli et des échéances à venir.
Le calendrier avec les grandes étapes est communiqué à tous dès le lancement du projet. Les élèves Remixeurs savent qu’ils s’engagent à participer au travail de diagnostic et d’inspiration, jusqu’à la restitution de leurs idées auprès du comité de pilotage adulte en avril.
Des traces de chaque étape du projet sont conservées à la fois physiquement (sur le Mur du projet) et virtuellement (accessible chronologiquement sur le blog du projet sur l’ENT et sous forme de QR-codes au CDI). L’évolution de la maquette rend également compte de l’avancée du travail de réflexion et de modélisation des élèves
Elles sont le support ou le résultat des prises de décisions collectives et permettent de préparer la restitution d’avril et le cahier des charges.
La motivation est une composante indispensable de l’engagement.
Outre la cohésion du groupe, elle tient à la capacité à se projeter, à imaginer le résultat de son travail, à la confiance en soi, au plaisir de faire ensemble dans la bonne humeur et la bienveillance.
Le calendrier est ponctué de temps forts pour entretenir la motivation.
Ainsi un partenariat est engagé avec des partenaires extérieurs.
Une architecte (association Bidouilles et Magouilles) intervient trois fois pour nous aider à créer la maquette du futur CDI. Le Pass Culture collectif permet de financer ces interventions.
Le responsable de la médiathèque voisine nous accueille pour une visite commentée autour des choix d’aménagement effectués lors de sa création, il y a une dizaine d’années.
Débat, recherches de références, modélisation, etc. les activités proposées sont le plus variées possible pour ne pas lasser les élèves les plus volatiles.
Entre les séances, ils sont les “ambassadeurs” du projet auprès des autres élèves et sont souvent fiers d’expliquer l’avancée de leur travail et leurs propositions.
3- Faire ensemble, collaborer
L’intelligence collective
“➢ c’est la capacité d’un groupe à résoudre un problème
➢ C’est aussi une émergence lors de la collaboration
➢ Enfin, c’est l’aboutissement, le produit de ce processus”
L’intelligence collective repose sur la confiance, la compréhension réciproque, la motivation de tous pour atteindre un objectif, l’équilibre dans la répartition de la parole et des tâches S. Fornero / JC Regnier
Elle implique la mise en place d’un cadre collaboratif, c’est-à-dire un dispositif dans lequel « l’ensemble des élèves interagissent pour produire une tâche commune où chacun apporte sa pierre à l’édifice » (L. Reynaud).
Dans le cadre du projet, les Remixeurs sont amenés à faire des recherches, mettre en commun, trouver des solutions, négocier et décider ensemble.
Tous les élèves ne pouvant être présents aux réunions, certaines étapes doivent pouvoir être asynchrones et chaque thématique de réflexion fait l’objet de deux réunions successives (de 40mn chacune).
Partager ses idées
Le travail d’inspiration passe par une veille collaborative.
Au fil du projet, des tableaux collaboratifs consacrés aux différentes thématiques sont créés sur Digipad. Ils sont alimentés lors des réunions ou à tout moment, au fil des idées et des trouvailles par les élèves du groupe. Ils sont la mémoire du projet, la trace du travail (c.f. S’engager sur le temps long / Des traces de chaque étape du projet). La fonction “exportation” permet de transformer chaque post en image puis de l’imprimer pour la manipuler (au moment des choix finaux , par exemple).
Le pad des Remixeurs regroupent les différentes pads thématiques. Il est accessible au CDI grâce à un QR-code affiché sur le mur du projet et peut ainsi être consulté et alimenté par les élèves sur leurs smartphones.
Réfléchir ensemble
Différents thèmes de travail ont été abordés au long du projet. La réflexion s’effectue en général sur deux semaines pour permettre à tous de participer.
Exemple de thème de réunion : Quel équipement numérique pour quelles pratiques ?
Réunion 1 |
Entre les deux réunions |
Réunion 2 |
|
LISTER le matériel numérique existant et usages du numériques possibles au CDI
– Seul (10mn) – en groupe (10mn) – Mise en commun des idées retenues sur un tableau Digipad dédié commun par un élève secrétaire |
– Article blog : compte-rendu de la réunion réalisé par un élève
– Mur du CDI : les notes des élèves sont affichées pour que tous les usagers puissent les découvrir, les commenter, les compléter –Le pad est accessible (lien sur le blog + QR-code) pour que chacun puisse ajouter ses idées (liens, photos ou textes) – Sur le pad, la professeure documentalistes classe les idées |
PRIORISER les besoins d’équipement numérique (en présence du RUPN)
– Proposition individuelle d’un classement (5mn) – en petit groupe discussion, négociation et réalisation d’une affiche – mise en commun – affichage sur le Mur et sur le pad dédié |
Séance 1 : inspiration Réflexion individuelle ⇓ Conflit socio-cognitif. réflexion en petit groupe ⇓ Mise en commun et nouveaux apports ⇓ Nouveaux apports individuels asynchrones ⇓ Séance 2 : choix Réflexion individuelle ⇓ Négociation en petit groupe ⇓ Mise en commun des propositions ⇓ Diffusion |
La réalisation d’une maquette du futur CDI est une autre forme de réflexion collective. Elle a une fonction de bac à sable. Elle permet aux élèves de se projeter, de tester sans risques différentes idées de configurations, en visualisant en volume le résultat des choix opérés. Elle permet de discuter les propositions individuelles et de les faire évoluer facilement.
Se répartir le travail, avancer en autonomie. L’exemple de la maquette
Pour que le projet avance malgré les contraintes d’emploi du temps, il nous faut trouver des outils permettant à chacun d’avancer en autonomie, selon ses disponibilités, ses compétences et ses envies.
Pour réaliser la maquette, nous avons imprimé le plan du CDI à l’échelle 1/30è. L’architecte intervenante a commencé par placer des repères (épingles) sur le socle.
Après sa première intervention, le matériel (cartons, cutters, crayons, colle, etc) reste à disposition des élèves et nous utilisons différents outils affichés sur le Mur du projet : une “Fiche astuce maquette” avec quelques règles à suivre, un plan des intersections. Elle propose également quelques applications pour la mise à l’échelle des mesures prises dans le CDI.
Elle nous propose également d’utiliser un tableau kanban.
C’est un outil visuel de gestion des flux de travail initié par Toyota dans les années 50 au Japon. Les mots kan et ban signifient “carte de signalisation” Chaque tâche est représentée par une petite note adhésive que l’on déplace en fonction de son statut.
Il permet à chacun de visualiser les tâches à accomplir, commencées ou terminées. Il est organisé en 3 étapes (lignes 1, 2, 3). L’étape 2 ne peut être commencée avant que toutes les tâches de l’étape 1 soient terminées et ainsi de suite.
Le tableau Kanban sera réinvesti dans la dernière étape du projet (choix définitifs, préparation de la restitution). Il existe des solutions numériques Digipad pour un kanban simple (sans étapes) ou des outils de gestion de projet comme Projoodle (gratuit et libre de droit). Exemple.
Au fil du travail sur la maquette, certains élèves ont également partagé leurs propres techniques ou infos.
Ces différents outils donnent un cadre sécurisé à chaque élève qui souhaite s’emparer de ce travail, qu’il fasse partie ou non de l’équipe des Remixeurs. Tous les élèves du groupe n’ont pas souhaité participer à la réalisation de la maquette mais cela a permis à d’autres usagers de se prendre au jeu de la modélisation. Seul ou en groupe, il y une réelle fierté à faire avancer le projet !
Faire des choix, décider ensemble
Le groupe d’élèves Remixeurs a dans ce projet seulement un pouvoir de proposition et non de décision finale car le groupe de pilotage “adulte” peut désapprouver les choix des élèves (pour des questions financières, de sécurité, de fonctionnement de l’établissement, etc.) et parce que notre projet a un volet financier important. Dans le cadre du dispositif N.E.F.L.E., les aides sont attribuées sur devis et leur montant ne sera donc connu qu’après cette phase de diagnostic et de réflexion. Toutes les propositions ne seront peut-être pas réalisables.
Lorsque des choix doivent être faits, nous préférons la recherche du consensus au vote “unificateur”qui “peut être perçu comme injuste au regard des élèves et cliver au lieu d’unir” ( L. Reynaud). Ce type de délibération permet de faire évoluer les points de vue de chacun pour arriver à une solution acceptable par tous.
Pour tenir compte de l’incertitude financière, nous avons le plus possible présenté nos décisions collectives sous forme de priorisation des propositions. Pour éviter le risque de “conformisme au groupe”, ces temps de recherche du consensus sont précédés d’une réflexion individuelle puis en petit groupe.
Après avoir incité les élèves à sortir du carcan des usages actuels, il nous paraît logique de garder une trace de toutes les idées pertinentes même si elles n’ont pas été retenues pour le futur CDI.
Suite aux discussions sur la place des propositions dans le futur CDI, nous avons gardé une trace des bonnes idées à creuser avec la direction, la vie scolaire ou la MDL, par exemple.
4- Impliquer la communauté éducative
Enquêter
Dès le démarrage du projet, un questionnaire est proposé à l’ensemble de la communauté éducative. Son objectif est de comprendre leur vision et usages du CDI actuel et leurs attentes et besoins concernant le CDI futur. Le questionnaire destiné aux élèves et étudiants a été rédigé par la professeure documentaliste puis testé par les élèves Remixeurs. Les questionnaires adressés aux professeurs et aux personnels ont été rédigés par le comité de pilotage “adulte”du projet. Réalisés avec Framaform et diffusés à chaque groupe d’utilisateurs sur l’ENT du lycée, ils apportent des éléments d’analyse qui orientent la réflexion sur la suite du projet. Les compte-rendus de résultats sont transmis au Comité de pilotage et aux remixeurs. Un nuage de mots synthétisent les attentes de chaque catégorie.
Communiquer, impliquer
Le questionnaire permet également d’informer l’ensemble de la communauté de la mise en route du projet.
Au fil du projet, chacun peut en suivre l’avancée grâce aux publications hebdomadaires sur l’ENT. La rubrique CDI est pour l’occasion devenue le blog CDI-remix dont les articles apparaissent comme actualités sur la page d’accueil de l’ENT
La dimension physique du projet (Le Mur et la maquette) complètent cette communication digitale : chacun peut voir l’avancée du projet, proposer à chaque moment ses idées, voire participer aux ateliers de modélisation.
Les retours sur le projet sont nombreux autant de la part des élèves que des professeurs et personnels qui passent au CDI.
En mars, un atelier de modélisation est mis en place lors des portes ouvertes du lycée. Il permet aux parents et futurs élèves de voir l’équipe des Remixeurs à l’œuvre, d’échanger avec eux et de participer au projet.
Restituer
Une demi-journée de restitution a lieu en avril. C’est l’occasion pour les élèves remixeurs de présenter et défendre leurs idées auprès du comité de pilotage, des partenaires et de l’équipe d’accompagnement du projet.
Une présentation numérique a été réalisée sur Genially (non partageable pour des raisons de droit d’auteur).
Elle reprend les étapes du projet, le résultat de la réflexion des élèves et leurs propositions concernant l’aménagement et la vie du CDI sous l’angle des différentes balises du projet.
La présentation est également physique : Les pages correspondant aux propositions sont imprimées et exposées avec la maquette terminée au CDI. Chacun peut donner son avis dans une boîte dédiée.
Une exposition des propositions retenues est organisée ensuite au CDI et dans les couloirs du lycée . Elle donnera lieu à une consultation des usagers. C’est la phase d’itération qui permet aux usagers de tester et donner leur avis sur les propositions. A l’issue de celle-ci, quelques ajustements pourront s’opérer avant la demande de devis.
5- Bilan
Les apports du numérique
Des outils numériques multiples ont été utilisés tout au long du projet. Le choix s’est porté sur des outils respectueux du RGPD lorsque c’était possible. Pour la communication quotidienne dans le groupe, ils ont été choisis par les élèves selon leurs pratiques.
Le critère premier était que les élèves puissent les utiliser le plus possible sur leur téléphone portable, notamment à partir de qr-codes projetés, imprimés ou partagés via Whatsapp. Le téléphone a été privilégié également pour la recherche sur internet et la prise de photos.
L’usage du numérique a eu plusieurs intérêts :
- Faire groupe en investissant les outils des élèves.
- Permettre le travail asynchrone : selon leurs disponibilités, les élèves n’étaient pas tous toujours présents aux réunions hebdomadaires mais pouvaient contribuer à la réflexion dans les jours permet de garder suivants en postant leur remarques et propositions.
- Garder une trace des réflexions et inspirations pour la prise de décision et la restitution.
- Toucher le plus grand nombre grâce à des publications régulières pérennes ou temporaires.
Pourtant le cœur du projet est avant tout collaboratif. Aussi, le travail est passé principalement par des temps d’échanges directs entre participants. C’est ce qui a permis de croiser les idées et avis, d’avancer par petites touches et d’arriver à des propositions consensuelles.
La maquette a donné un caractère très concret au travail réalisé et permis aux élèves et usagers de se projeter, de manipuler, d’expérimenter ensemble et d’inviter chacun à participer. Ça n’aurait pas été possible en utilisant uniquement des outils numériques.
Le projet a finalement existé concrètement pour les participants et pour l’ensemble des usagers du CDI grâce à sa présence physique, bien visible dès l’entrée dans le CDI (Mur du projet, maquette).
Développer le pouvoir d’agir, faire avancer les Communs au lycée ?
Au moment de l’écriture de cet article, le projet de transformation du CDI n’est pas terminé. Les devis ont été demandés et le bilan dépendra bien sûr de sa concrétisation et donc du financement obtenu. L’attente des élèves de voir le fruit de ce travail est très forte.
Qu’a apporté ce projet aux élèves impliqués ?
On peut d’ores et déjà tirer un bilan positif de ce projet malgré les importantes contraintes d’emploi du temps et l’élasticité du groupe. Les élèves ont pu développer des compétences variées, selon leur profil, leur investissement et leurs intérêts.
- compétences numériques : collaborer, partager les informations et les idées, publier.
- compétences de communication : écouter l’autre, faire entendre son opinion et ses idées à l’oral ou à l’écrit, rédiger un article, faire un exposé oral
- compétences sociales et citoyennes : s’engager dans un projet long, prendre des initiatives, prendre en compte l’intérêt collectif, partager le ltravail, etc.
- compétences techniques : prise de mesures, modélisation, mise à l’échelle, test de matériaux lors de la réalisation de la maquette
Ce travail a surtout selon moi présenté l’intérêt de donner l’envie aux élèves d’investir le CDI pour y développer d’autres projets, nés de leur réflexion et facilités par le futur aménagement : mettre en place une radio, organiser un réseau d’entraide, mettre en place une bourse aux livres, développer des services, etc.
De nombreux élèves,usagers ou non du CDI, ont suivi l’avancée de notre travail et cet enthousiasme a dépassé le cadre du groupe des Remixeurs.
Favoriser le pouvoir d’agir des élèves et faire que le CDI devienne un espace commun, partagé par l’ensemble de la communauté, incubateur d’initiatives et favorisant le désir d’apprendre était l’un des objectifs. L’avenir nous dira si l’investissement du nouveau lieu permettra de continuer dans cette voie.
Pour aller plus loin
- Reynaud, Laurent / Connac, Sylvain / Darchy-Koechlin, Brigitte. Faire collectif pour apprendre. Des clés pour mettre la coopération au service des apprentissages. ESF / Cahiers pédagogiques, 2023. 16,0 cm × 24,0 cm × 1,1 cm . 180 p. Pédagogies. Outils. ISBN 978-2-7101-4584-4
- Carbillet, Marion / Mulot, Hélène. A l’école du partage. les communs dans l’enseignement. C&F, 2019. 302 p. Les enfants du numérique. ISBN 978-2-91582-593-0
- Le Design thinking en bibliothèque, IDEO, 2016. https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/notices/66044-le-design-thinking-en-bibliotheque
- Le 110 bis. Compilation de facilitation : exercices inspirés du design thinking pour s’aider dans la conception de déroulés de session de travail collaboratif. Ministère de l’Education Nationale, 2022. https://www.education.gouv.fr/media/113360/download
- Fornero, Sylvie / Régnier, Jean-Claude. Intelligence collective dans la classe. Impact des interactions et autres facteurs sur l’intelligence collective dans des groupes de travail restreints au collège. Congrès international d’Actualité de la Recherche en Éducation et en Formation (AREF), Université de Lausanne, Septembre 2022. hal-03779761 https://hal.science/hal-03779761
- Gardair, Véronique. Le design thinking au CDI. Des expériences pour repenser les espaces scolaires. Canopé, 2020. 87 p. Agir. ISBN 978-2-240-05100-4
- Kit Archilab (Archiclasse) empruntable auprès de la DRNE : https://archiclasse.education.fr/ArchiLab