Dans le cadre du Plan Académique de Formation, nous proposons un stage intitulé Boîte à outils pour un oral réussi. Nous y abordons rapidement la question de la mémoire. Avec le Grand Oral et l’exigence d’une prise de parole par les élèves, sans support, cette question de la mémorisation devient objet de nos interrogations pédagogiques. En tant qu’enseignant, comment (re)penser nos séances pédagogiques pour consolider la mémorisation des notions abordées en cours ? Comment favoriser la mise en place de stratégies d’apprentissage efficaces et adaptées ? En tant que (professeur) documentaliste, quel est le rôle du lieu CDI dans l’apprentissage de méthodes pour mieux apprendre et mieux mémoriser ?
Un article co-écrit par Valérie Liger et Marion Bazeaud
1- L’art de la mémoire
La mémoire est la “faculté de conserver et de rappeler des états de conscience passés et ce qui s’y trouve associé ; l’esprit, en tant qu’il garde le souvenir du passé”. © 2021 Dictionnaires Le Robert – Le Petit Robert de la langue française
En savoir plus sur le rôle de la mémoire dans les apprentissages en 59 minutes 🎧[1]
“Au coeur de la mémoire : un outil pour apprendre” – Etre et savoir – France Culture
La mnémotechnie ou art de la mémoire consiste à faciliter la mémoire, à la développer parfois de façon considérable. Etymologiquement, mnémotechnie vient du grec mnêmê, la mémoire et tekhnê, art. Dès l’Antiquité grecque, des procédés mnémotechniques ont été mis en place par les orateurs. La mémoire n’est pas un don du ciel, elle se développe par l’exercice. Elle nécessite de l’attention et de la concentration. Il est plus facile d’apprendre quelque chose si on connaît déjà un peu le sujet : on dispose de repères auxquels on peut peut relier les nouvelles informations.
Parmi les différentes techniques de mémorisation, focus sur l’une d’entre elles communément appelée “Palais mental” ou “palais de la mémoire”[2]. Cette méthode permet d’associer des lieux bien connus à des images mentales, des mots nouveaux que l’on souhaite mémoriser.
“Le « palais mental », une des méthodes les plus efficaces pour développer sa mémoire” – Nat Geo France
2- Neuromythes
Avoir des connaissances sur le fonctionnement de notre mémoire est primordial pour adopter les bonnes stratégies et mettre de côté celles qui nous épuisent et nous font perdre temps et motivation. En tant qu’enseignant, notre rôle est d’appréhender ce fonctionnement pour favoriser l’apprentissage de nos élèves. Déconstruire les neuromythes est un premier pas pour interroger la manière dont nous concevons nos séances pédagogiques et nos exigences par rapport aux élèves.
Au début de cette ressource théorique “Les neuromythes” [3] publiée par l’association “Apprendre et Former avec les Sciences Cognitives”[4], vous trouverez un questionnaire de positionnement pour faire le point sur vos croyances et/ou connaissances autour de ce sujet.
S’informer en 6 minutes [5]
Déconstruire les neuromythes ITW Jean-Luc Berthier – les vidéos experts ÊtrePROF
S’informer en 54 minutes 🎧 [6]
“Cerveau, mythes et réalités” – La Tête au Carré (Mathieu Vidard) – France Inter
S’amuser en 3 minutes et 14 secondes [7]
“Le cerveau de Lucy” – Tu mourras moins bête – ARTE
3- Rôle de l’enseignant en 4 astuces
“Par les activités pédagogiques qu’ils mettent en œuvre, les enseignants sont des professionnels de la plasticité cérébrale de leurs élèves.” (Berthier). Cette partie aborde quelques pistes pour adapter les séances pédagogiques afin que ces dernières favorisent l’apprentissage des élèves.
1. Vocabulaire : un départ expliciteVous allez utiliser des mots barbares lors de votre prochaine séance… Il est profitable de donner le vocabulaire nouveau avant d’entrer dans le chapitre, en effet, on apprend mieux si on sait où l’on va. La plupart des élèves ne connaîtra pas ces mots mais n’hésitez pas à en annoncer le listing en amont du cours.
Pour aller plus loin : “Enseigner plus explicitement : l’essentiel en quatre pages” – par le centre Alain-Savary [8]
2. Synthétiser son cours en image par une carte mentale ou mind mapping : c’est en quelque sorte la cartographie du cerveau qui réfléchit. Sur un format paysage, représenter l’information de manière spatiale, visuelle et graphique. Notre cerveau n’empile pas les idées, il les associe. Cela favorise l’apprentissage. Dans cette courte vidéo [9], les enseignants utilisent la carte mentale pour permettre aux élèves d’ancrer les notions abordées en classe.
“Apprendre à apprendre, les neurosciences appliquées à l’école” – FranceInfo
La carte mentale est une façon d’aider à la mémorisation. Elle permet de mettre en évidence les liens dont nous avons besoin pour récupérer plus facilement les informations. C’est un outil respectant les limites de la mémoire de travail. Elle permet de visualiser d’un bloc un nombre important d’éléments et leurs liens, que la seule mémoire de travail ne peut pas faire. La carte mentale proposée par un apprenant est représentative de l’ensemble des éléments essentiels qu’il a retenus, et de la pertinence des liens qu’il a su établir entre eux.
3. Par un sketchnote [10 ]ou des fiches privilégiant le dessin plutôt que le texte : Un dessin est plus encodé qu’un texte. Une équipe de chercheurs canadiens avance que le fait de dessiner met en jeu différents encodages impliqués dans la mémorisation avec un effet synergique entre eux qui favorise l’ancrage du souvenir. L’élaboration sémantique (le sens du mot), la représentation de l’image, le geste pour pouvoir le dessiner, la représentation pictorielle sont les composantes de ces encodages qui, de concert, rendent l’apprentissage plus profond et donc plus efficace. Le dessin comportant plus d’informations qu’un mot seul aura l’avantage d’ancrer plus sûrement dans la mémoire le mot. Il est nettement plus intéressant de préférer des dessins sur les notions à retenir plutôt qu’une fiche de texte qui reprend en condensé le cours.
4. Planifier des reprises
L’oubli [12]est un phénomène vital, naturel et incessant. Pour consolider les savoirs appréhendés en classe, le professeur peut planifier un calendrier de reprises des notions. Les écarts de temps entre les reprises peut être de plus en plus long. Entre chaque reprise, on peut doubler l’écart par exemple. Il est également nécessaire de déterminer un terme à la rétention de l’information. Afin d’automatiser ces reprises, il est possible d’utiliser des solutions numériques comme kahoot! [13] pour tester les élèves.
Attribution : Adrien Moyaux
5. Fin du cours
55 minutes de cours plus tard : de nouvelles notions ont été abordées, des activités ont permis de mieux les intégrer… La sonnerie retentit au moment où les élèves terminent de noter dans leur cahier la dernière information transmise par leur professeur.
Rembobinons le fil de la séance et arrêtons-nous 10 minutes en amont de la sonnerie.
Toutes les informations, méthodes et points de réflexion n’ont pas la même importance, c’est l’enseignant qui détermine quels sont les essentiels à retenir. Alors soyez explicite !
- S’il faut retenir un mot / une notion
- S’il faut retenir un concept
- S’il faut retenir une méthode
4- La mémoire comme objet pédagogique
1. Créer du lien entre des mots pour mieux les apprendre et faire appel à son imagination
Le cerveau apprend plus facilement si des liens ont été créés entre les informations à retenir. Voici une proposition d’activité que vous pouvez faire vous-même :
Test A :
Ne pas donner de consignes spécifiques sur une méthode pour retenir la liste.
Consigne : « Je vais afficher 12 mots au tableau pendant 1 minute. Vous devrez en retenir un maximum. A l’issue de la minute, j’enlève la liste et vous notez tous les mots que vous retrouvez. »
Exemple de liste de mots : piano – fourchette – cartable – lunettes- carotte – vélo – rencontre – cible – moutarde – citron – numéro – robe
Résultat :
Sans consigne spécifique sur une méthodologie pour retenir, les élèves ont en général réussi à retrouver entre 5 et 9 mots. La moyenne étant 7, correspondant à la capacité de stockage de la mémoire de travail. Si on observe les élèves pendant la phase de mémorisation, on constate que beaucoup d’entre eux répètent « à voix basse » les mots pour les retenir (on observe leurs lèvres bouger). Cette technique de mémorisation par répétition est la plus commune, et conduit à bien retenir les 3-4 premiers mots de la liste (c’est l’effet de primauté : on les a répétés souvent) et les 2-3 derniers mots de la liste (c’est l’effet de récence : les derniers appris).
Test B :
On va tenter d’améliorer la performance en mettant en place une méthodologie spécifique : utiliser les 12 mots de la liste pour raconter une histoire, c’est à dire mettre en scène les éléments à retenir. Plus l’histoire imaginée sera étrange, loufoque, drôle, et mieux on arrivera à retenir les éléments.
Consigne : « Je vais afficher 12 mots au tableau pendant 1 minute. Vous devrez en retenir un maximum dans l’ordre. Pour cela, vous devez imaginer une histoire mettant en scène les éléments de la liste. A l’issue de la minute, j’enlève la liste et vous notez tous les mots que vous retrouvez. »
Exemple de liste de mots : flûte – baguette – cheval – fromage – cartable – clocher- désert- chaise – avion – jeu – piscine – nuage
Résultat : les résultats sont meilleurs, on retient entre 10 et 12 mots. La contrainte de retenir les mots dans l’ordre est en fait facilitatrice. La méthode suggérée implique une association entre les mots de la liste à retenir et des informations déjà stockées dans la mémoire sémantique de chacun (en faisant appel à son imagination). Les mots évoquent donc des choses déjà référencées. Le fait d’utiliser les mots pour raconter une histoire augmente encore le niveau de sens et donc l’ancrage sur la mémoire sémantique. Si en plus l’histoire exploite une dimension émotionnelle (elle est drôle, elle fait peur …) on améliore encore la mise en mémoire (encodage).
2. Inciter les élèves à créer des cartes mémoire ou flashcards pour réactiver les connaissances. Il s’agit de convaincre le cerveau de ne pas effacer les informations.
Avec l’application Anki. Ce logiciel permet d’apprendre grâce à la révision active en créant des cartes-mémoires avec du texte, du son et des images et de les apprendre grâce au principe de répétition espacée. Il est basé sur 4 principes conformes aux apports des sciences cognitives :
- Pour être acquise à terme, une information doit être revue à plusieurs reprises, entre lesquelles l’oubli va produire un estompage de plus en plus faible.
- Les reprises peuvent s’effectuer à intervalles expansés (de plus en plus grands) : c’est la règle du 1-1-1-1 : 10 minutes plus tard, le soir même (1 jour), 1 semaine plus tard, 1 mois plus tard.
- L’ancrage est beaucoup plus puissant en mode « mémorisation active » lorsque l’apprenant se pose la question, contrairement à la mémorisation par relecture qui est illusoire.
Voici un exemple de ce que l’on peut réaliser.
Sans passer par une application, les élèves peuvent tout à fait créer leurs propres cartes de révision sur des papiers. Cela leur permet de réviser seuls : ils placent dans une pile les cartes pour lesquelles ils connaissent la réponse. Dans une autre pile, ils mettent les questions pour lesquelles ils n’ont pas la réponse ou pour lesquelles ils doutent. Ils réviseront plus souvent cette pile-là. L’objectif est qu’à terme, toutes les cartes soient passées dans la pile des questions maîtrisées.
3. Faire prendre conscience aux élèves du fonctionnement de leur cerveau, leur faire tester des stratégies à mettre en place pour mémoriser facilement et efficacement. Voici le support d’une séquence menée auprès d’élèves en seconde bac pro en début d’année.
5- CDI, classe flexible favorisant les apprentissages [14]
5- Bibliographie
Par ordre d’apparition
[1] « Au coeur de la mémoire : un outil pour apprendre ». France Culture, https://www.franceculture.fr/emissions/etre-et-savoir/scenes-de-la-vie-scolaire.
[2] Le « palais mental », une des méthodes les plus efficaces pour développer sa mémoire. www.youtube.com, https://www.youtube.com/watch?v=N9fz_071WX8.
[3] « Les neuromythes ». Apprendre et former avec les sciences cognitives. https://sciences-cognitives.fr/wp-content/uploads/2020/10/AFSC-Fiches-Theoriques-Les-neuromythes.pdf.
[4] Sciences cognitives, https://sciences-cognitives.fr/.
[5] Déconstruire les neuromythes | les vidéos experts ÊtrePROF. www.youtube.com, https://www.youtube.com/watch?v=-nyyXvnBSdI.
[6] Cerveau Mythes et réalités du 24 août 2015 – France Inter. https://www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre/la-tete-au-carre-24-aout-2015.
[7] Le cerveau de Lucy – Tu mourras moins bête – ARTE. www.youtube.com, https://www.youtube.com/watch?v=3MQIVNuEGoE.
[8] « Enseigner plus explicitement : l’essentiel en quatre pages ». Centre Alain Savary – Education prioritaire – ifé, http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/education-prioritaire/ressources/theme-1-perspectives-pedagogiques-et-educatives/realiser-un-enseignement-plus-explicite/enseigner-plus-explicitement-un-dossier-ressource.
[9] « VIDEO. Apprendre à apprendre, les neurosciences appliquées à l’école ». Franceinfo, 22 novembre 2012, https://www.francetvinfo.fr/france/video-apprendre-a-apprendre-les-neurosciences-appliquees-a-l-ecole_174707.html.
[10] Breyton, Virginie. Réaliser un sketchnote. Les fiches interCDI. http://www.intercdi.org/wp-content/uploads/2020/11/20-21_Fiche_VB.pdf?utm_campaign=L%27Instant%20CDI&utm_medium=email&utm_source=Revue%20newsletter
[11] Lebelle, Bernard / Lagane, Guillaume / Gros, Nicolas. Encyclopédie visuelle : 1400 dessins, croquis, pictos, crobards. Eyrolles, 2015. 388 p. https://0701078s.esidoc.fr/document/id_0701078s_90894.html
[12] «Dossier “Bien mémoriser”». Réussir sa 2nde et préparer son avenir – SVT mag’. Hatier. https://pdf.editions-hatier.fr/Livret_SVT2de_web.pdf
[13] Un quiz interactif ? un Kahoot ! – Prof & Doc – Site des document@listes de l’académie de Besançon. https://documentation.ac-besancon.fr/un-quiz-interactif-un-kahoot/.
[14] Archiclasse. « Thématique #2 – Un lieu, des espaces : les différents espaces d’apprentissages. » Archiclasse, 25 août 2021, https://archiclasse.education.fr/Thematique-2-Un-lieu-des-espaces-les-differents-espaces-d-apprentissages.