Ce travail s’inscrit dans les TRAAM documentation 2023-2024 « L’intelligence collective au service des compétences du 21eme siècle ».
Alors que les Intelligences Artificielles (IA) se démocratisent de plus en plus, la question de la place des apprentissages se pose. Le succès grandissant qu’ont celles-ci auprès des élèves et leur facilité d’accès peuvent engendrer, sur le long terme, une perte de sens des apprentissages scolaires.
Il paraît donc nécessaire d’éduquer à ce nouvel usage, ses points forts et surtout ses limites, pour faire prendre conscience aux élèves que les IA ne doivent pas être utilisées de manière brute, à la volée, mais plutôt de manière réfléchie, avec l’intervention nécessaire d’une intelligence collective qui donnera tout son sens au résultat final.
1-Cadrage théorique
Vers une utilisation raisonnée et éclairée des IA par les élèves
- Pour débuter, il paraît intéressant d’analyser cette infographie simple créée par les groupes thématiques numériques, soutenus par la DNE (Direction du Numérique Educatif) qui indique ce que peut relever d’une IA ou pas :
- Par manque de connaissances, d’expérience ou de pratique, les élèves ont, le plus souvent, une vision magique des IA, capables de tout réaliser, de penser par elles-même, d’être dotées d’une conscience ; en résumé, de remplacer la réflexion d’un être humain.
- Dans cette infographie, la séparation entre ce qui peut être fait par une IA ou pas est claire : les IA traitent des données et produisent des textes, images, vidéos en réponse à des instructions précises qui lui sont données par l’utilisateur alors que l’usager réfléchit, hiérarchise, donne du sens aux informations données et distingue le vrai du faux.
Ce sont ces limites bien définies qu’il sera nécessaire de faire distinguer aux élèves.
Passer de consommateur à créateur de contenu
Margarido Romero, professeure en technologie éducative, a établi des pistes de réflexion intéressantes sur l’éducation à l’IA :
- Lorsqu’on demande aux élèves d’utiliser une IA sans consignes ou explications préalables, nous nous rendons compte que, le plus souvent, ils se placent dans la colonne « création de contenu », c’est-à-dire qu’ils créent du contenu avec les IA pour répondre simplement à une consigne. Ils savent les utiliser mais ne comprennent pas leur fonctionnement.
- L’objectif de la séquence présentée est d’atteindre au plus près le stade « Cocréation de contenu » : collaborer entre apprenants et utiliser les IA comme tremplin pour aller plus loin dans les apprentissages.
Développer une intelligence collective ?
Cette collaboration entre apprenants va nourrir et développer une intelligence collective. Celle-ci nécessite un travail de groupe qui n’est ni inné, ni évident pour les élèves.
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Sylvain Connac, enseignant chercheur en Sciences de l’Education, insiste sur le fait que la collaboration entre pairs s’apprend et n’est pas immédiate.
- Il appelle « cooperative skills » les compétences que les élèves acquièrent lorsqu’ils travaillent dans cette modalité : solidarité, entraide, participation, partage de connaissances et des opinions, encouragement mutuel, etc… Celles-ci seront nécessaires pour obtenir une réflexion collective de qualité qui déterminera la cohérence de la production finale de la séquence présentée dans cet article.
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Le développement d’une véritable coopération et donc, d’une intelligence collective est un travail sur le long terme ; il est évident que cette séquence constitue une approche.
2-La séquence : La ville de demain : élèves VS IA
Les problématiques de la ville actuelle (logement, déplacement, environnement, social, etc…) ont été étudiées au préalable lors d’une séance de géographie et des éléments de réponse pour pallier ces problèmes ont été cherchés collectivement. De plus, les élèves ont déjà recherché quelques solutions de leur côté afin de partager leurs idées à leur groupe.
Durée | 2 voire 3 heures |
Lieu | Salle multimédia, collège Jules Ferry (Delle) |
Niveau | 6ème |
Effectif | 25 |
Disciplines, Enseignants |
Documentation, Géographie, EMI |
Contexte |
Inventer la ville de demain, programme en géographie en 6ème (Thème 1 : Habiter une métropole : la ville de demain) |
Objectifs pédagogiques et évaluation | Comprendre le fonctionnement d’une IA et apprendre à s’en servir
Autoévaluation, évaluation par les pairs |
Socle commun de compétences, de connaissances et de culture | Domaine 2 : Les méthodes et outils pour apprendre :
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CRCN | Domaine 2 : Communication et collaboration
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Matériel | PC, vidéoprojecteur, accès à un Chatbot et à une IA génératrice d’images |
Déroulement :
Séance 1 : inventer la ville de demain grâce à l’intelligence collective des élèves
- Consigne : « Vous allez devoir, par groupe, inventer la ville de demain (texte, dessins, schéma, etc.) avec des solutions concrètes pour résoudre les problèmes actuels. Nous allons ensuite comparer votre travail à celui d’une IA pour voir quel est le plus cohérent en fonction de la consigne donnée. »
- Les groupes d’élèves échangent leurs idées, les confrontent, débattent de la plus cohérente et sélectionnent celle qui leur apparaît comme la plus adaptée.
- Pour cette étape, les enseignants passent dans les groupes et vont aider la mise en route de la coopération en guidant les élèves si celle-ci ne s’opère pas.
- Si besoin, les élèves peuvent s’appuyer, dans un second temps, sur une recherche d’informations sur des livres documentaires (sélectionnés en amont) ou sur Internet pour affiner leurs idées ou s’inspirer de concepts.
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Après avoir dégagé les idées importantes, les groupes créent leur ville de demain en la décrivant et/ou en la dessinant et/ou en la schématisant.
Quelques travaux d’élèves à ce stade :
Bilan :
- Certains élèves présentent des difficultés pour échanger leur idées : par exemple, un élève décrit ses idées et celles-ci sont sélectionnées directement pour la suite sans confrontation avec d’autres idées.
- D’autres n’ont pas fait le travail demandé en amont, ce qui limite les échanges.
- Quelques groupes ne tentent pas de confronter leur idées et passent directement à la recherche d’informations.
Le rôle de l’enseignant est primordial lors de cette étape pour assurer une coopération la plus efficace possible.
Séance 2 : guider l’IA grâce à notre réflexion et non se laisser guider par l’IA
a- Utilisation d’un « Chatbot »
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Consigne : « Il est maintenant temps de voir si un chatbot peut rivaliser avec vos réflexions en lui demandant seulement de décrire la ville de demain».
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Les élèves se connectent sur le compte du CDI de ‘ChatGPT’ (possibilité de le faire sur ‘TalkAI’ ou ‘Perplexity’», des ChatGPT sans inscription), écrivent le prompt « décris la ville de demain » et lisent le résultat.
Une mise en commun est faite pour avoir la réaction des élèves sur la cohérence de la réponse en fonction de la consigne, les points positifs et négatifs :
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Points positifs : réponse développée et structurée ; idées qui correspondent à ce qui a été vu en cours ; rapidité de la réponse
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Points négatifs : longueur du texte (difficulté à lire pour les élèves) ; termes complexes non compris par les élèves (« inclusivité sociale » ; « résilience »,…) ; similitude des réponses apportées par l’IA dans les groupes ; la plupart des idées avaient déjà été trouvées par les groupes dans le travail de collaboration
En conclusion :
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Cette réponse de ChatGPT ne semble pas adaptée à des élèves de 6ème à cause de certains mots complexes utilisés et certaines tournures de phrases
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Les élèves appuient sur le fait qu’il n’y a pas de plus-values dans l’utilisation de l’IA dans ce cas puisqu’ils avaient déjà eu les idées proposées
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Nous notons qu’il faudrait guider de manière plus précise l’IA pour avoir des réponses plus détaillées,.
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Enfin, nous leur faisons remarquer que si nous avions suivi l’IA, sans travail collaboratif préalable, tout le monde aurait eu le même travail et donc la même ville de demain. En ayant eu ce travail, les idées ont été très différentes donc les villes qui ont été imaginées également. Cela a été permis par la collaboration et l’intelligence collective.
Il est également préférable de rappeler qu’un ChatBot va chercher ses données sur internet, qu’il est donc possible que certaines informations soient fausses et qu’il faut systématiquement les vérifier !
b- Qu’est-ce qu’une IA ?
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Représentations des élèves et questionnements : vision magique et déformée du fonctionnement des IA
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Aux questions « Une IA peut-elle avoir des sentiments ? » ; « Est-ce qu’une IA peut vouloir du mal à quelqu’un ? » ; « Une IA peut-elle proposer une idée d’elle-même ? », les élèves sont hésitants et certains répondent par l’affirmative.
- Un petit topo sur le fonctionnement d’une IA est fait :
– C’est un programme informatique qui imite l’intelligence humaine
– l’IA est capable de s’améliorer en étant entraînée par l’Homme ou même en s’entraînant toute seule = une IA ne peut rien faire toute seule, elle est dépendante des humains qui l’entraînent et la corrigent. Elle ne peut pas non plus improviser, comprendre ce qu’elle fait ou ressentir des émotions : tout ça reste des spécificités humaines.
– Une IA fonctionne en comparant et en analysant d’énormes quantités de données d’informations. Celles-ci lui ont été données par les ingénieurs qui l’ont conçue ou elle les cherche directement sur Internet (comme les ChatBot).
c- Utilisation « brute » d’une IA génératrice d’images
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« Nous allons maintenant essayer un autre type d’IA : celle qui génère des images. Nous allons voir si elle est capable d’inventer une ville de demain cohérente en écrivant le prompt ‘une ville de demain’ »
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Les élèves se connectent sur les comptes CDI de l’IA « LensGo » (possibilité de le faire sur « Lexica » avec inscription et « Craiyon » ou « Artguru » sans inscription). Ils écrivent le prompt et analysent le résultat et celui de leurs camarades;
Quelques résultats ‘bruts’ obtenus :
Une mise en commun est faite pour avoir la réaction des élèves sur la cohérence des images en fonction de la consigne, les points positifs et négatifs :
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Points positifs : choix des images ; rapidité relative
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Points négatifs : l’IA ne répond pas à la consigne et ne résous pas les problématiques de la ville actuelle ; certaines images créées sont incompréhensibles
En conclusion :
Il est nécessaire de guider l’IA pour obtenir une image intéressante en guidant les prompts grâce aux fruits du travail collaboratif fait en amont par les élèves.
d- Utilisation guidée d’une IA génératrice d’images
- Consigne : « Nous l’avons bien compris : pour obtenir une image qui illustre vos idées, il va falloir guider l’IA »
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Les élèves tentent de guider l’IA afin d’obtenir une image qui correspond le plus aux résultats de leur travail collaboratif (essais/erreurs)
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Les enseignants passent dans les groupes et donnent des conseils : ne pas hésiter à tester beaucoup de prompts, modifier des prompts afin d’obtenir une image convenable ; écrire des prompts factuels, clairs et sans explications
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Présentation de la meilleure image obtenue pour chaque groupe et affichage avec explication par la suite
Quelques résultats guidés obtenus :
Bilan :
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Les élèves se rendent compte qu’il est difficile d’obtenir un résultat convenable avec une IA
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Il faut du temps, de la persévérance, de la réflexion et il est nécessaire de connaître le fonctionnement de l’IA pour pouvoir la guider : ce n’est pas magique !
- Certains groupes ont réussi à obtenir un résultat s’approchant de leurs idées.
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D’autres n’ont pas réussi à obtenir une image qui correspond à leurs idées par manque de temps ou par découragement.
Perspectives :
- Il serait intéressant de continuer ce travail dans une 3ème séance pour que tous les groupes aient le temps nécessaire pour aller jusqu’au bout de leur travail.
- Une exposition des images créées avant et après avoir guidé l’IA et accompagnée des prompts utilisés pourrait être envisagée.
- Ce genre de travail peut être réinvesti dans d’autres niveaux et dans d’autres matières (travail d’imagination, par exemple).
Bibliographie :
- ROMERO Margarida, Enseigner et apprendre à l’ère de l’intelligence artificielle, Canopé, Livre blanc, 2023
- Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse (2023). Intelligence artificielle et éducation, GTnum. https://edunumrech.hypotheses.org/files/2023/05/MEN_DNE_brochure_IA_WEB.pdf
- ROMERO Margarida (2023). Modèle passif-participatif. https://margaridaromero.blog/models/693-2/
- Prof&Doc (2024). Apprendre à coopérer ou coopérer pour apprendre ? Entretien avec Sylvain Connac. https://documentation.ac-besancon.fr/apprendre-a-cooperer-ou-cooperer-pour-apprendre-entretien-avec-sylvain-connac/
- Laboratoire d’innovation numérique de la CNIL (2023). ChatGPT : un beau parleur bien entraîné, CNIL. https://linc.cnil.fr/dossier-ia-generative-chatgpt-un-beau-parleur-bien-entraine