Ce travail s’inscrit dans le cadre des Traam Documentation 2023-2024 « L’intelligence collective au service des compétences du 21eme siècle »,

Appelées soft skills en anglais, les compétences de vie permettent d’installer l’élève dans de bonnes conditions pour apprendre et s’initier à la coopération, compétence clairement identifiée comme critère de réussite scolaire et professionnelle. Mais la maîtrise de ces compétences dépassent largement le domaine de l’apprentissage : coopérer, se montrer curieux, créatif, résilient, empathique, autonome, confiant en soi, respectueux de la diversité sont autant de compétences personnelles essentielles tout au long de la vie.

Michel Develay, professeur de Sciences de l’éducation à Lyon 2, détermine 3 intérêts majeurs à les développer à l’école : la maîtrise des compétences de vie faciliteront l’entrée dans les apprentissages, puisque sans la capacité à coopérer, à s’organiser ou encore à être autonome, l’acquisition des savoirs disciplinaires restera complexe. La dimension citoyenne est également essentielle : le développement de l’empathie, l’acquisition d’un esprit critique amèneront nos élèves à devenir des citoyens respectueux et capables de s’intégrer pleinement dans la société de demain. Enfin, ces compétences du 21ème siècle sont à considérer en étroite liaison avec le projet professionnel de nos élèves : en raison de leur transférabilité, elles permettront de se réadapter sans cesse face à un monde en évolution permanente, elles sont d’ailleurs désormais prises en compte par les employeurs.  Elles revêtent donc une réelle utilité « socio politique » pour Michel Develay.

C’est à la lumière de ces réflexions qu’un projet s’est construit autour de la classe de 3ème Prépa-métiers de notre lycée. La mise en place d’un enseignement expérimental intitulé « Découverte professionnelle et connaissance de soi », à hauteur d’une heure hebdomadaire en co-intervention avec deux enseignants de Gros Œuvre et d’Arts appliqués, a permis de mettre en place une véritable progression visant à l’acquisition par nos élèves de ces compétences du 21ème siècle.

Les traditionnelles séances de recherche autour des métiers et des champs professionnels ont été ponctuées par plusieurs autres consacrées à la connaissance de soi et des autres, et au développement de la capacité à  coopérer, se connaître, être empathique et autonome, à communiquer, à être créatif …

La connaissance de soi …

Notre première séance a inauguré un  travail d’introspection autour de soi et des autres, à partir du jeu de société DIXIT. L’objectif était de se présenter à la classe à partir de cartes choisies, en nommant ses qualités, forces, ressources, compétences (notions qui constitueront notre fil rouge annuel dans ce dispositif de découverte professionnelle).

L’intermédiaire du jeu a constitué un appui bienvenu pour aider nos élèves à se définir, exercice ardu pour un certain nombre d’entre eux qui sont arrivés dans cette classe suite à un parcours scolaire chaotique et une estime d’eux-mêmes relativement dégradée.

Les compétences relationnelles …

Une seconde séance consacrée au développement de la coopération s’est ensuite organisée autour d’une activité de construction d’une structure en Lego : par groupe, les élèves doivent reproduire une figure à partir des explications de l’un d’eux, qui aura seul visualisé le modèle pendant un temps limité (mais qui peut être renouvelé). A l’issue de la séance, nous avons réalisé ensemble un bilan sur ce qui avait fonctionné et dysfonctionné dans chaque groupe et avons explicité les compétences comportementales que nous allions développer tout au long de l’année.

Cet exercice a permis d’identifier immédiatement les conflits de leadership, de communication dans le groupe et d’analyser ensemble l’intérêt de développer ces compétences, en faisant le lien avec le monde professionnel.

 

En parallèle de ce travail, il nous a paru fondamental de faire rapidement réfléchir nos élèves sur le fonctionnement du groupe et l’utilité des règles pour que la classe puisse fonctionner de manière optimale et offrir à chacun un environnement sain et sécurisant, préalable au développement des compétences visées.

La séance « Survie en milieu hostile » a été imaginée en ce sens. Répartis en groupe, les élèves ont dû déterminer ensemble les règles de vie qui leurs apparaissaient les plus nécessaires à leur survie dans un monde post-apocalyptique.

Le but de ces propositions collectives étaient de créer une dynamique de groupe, la mise en commun qui a suivi, de générer une prise de conscience de l’intérêt des règles collectives, ainsi qu’une émulation vers l’acquisition ou le renforcement des comportements attendus, à savoir l’entraide, l’empathie, la communication notamment. Un troisième travail pour initier les élèves à la communication bienveillante s’est inscrit dans le continuum de cette séance.

Le projet de participation au concours « Je filme le métier qui me plaît », nous a permis de réinvestir le travail mené depuis le début de l’année sur les compétences comportementales.

Suite à une visite d’entreprise, les élèves se sont lancés dans la création d’une production filmée présentant les métiers du théâtre, en insistant sur les préjugés relatifs à ce milieu professionnel, en premier lieu chez nos élèves !

Après avoir balayé les notions de cadrage, de champs et de plan-séquence, nous avons constitué des groupes de travail qui ont été chacun en charge de filmer une partie de la visite. Chaque élève au sein du groupe s’est positionné sur un rôle : scénarisation, tournage, montage, rédaction de la voix off et/ou enregistrement.

Cette étape s’est naturellement appuyée sur l’ensemble du travail mené dans les mois précédents sur la connaissance de ses atouts.

Par la suite, plusieurs séances ont été consacrées au montage des plans-séquences.

Dans le cadre de ce projet, l’ensemble des compétences visées ont pu être travaillées : créativité, prise de décision, communication, autonomie. La question de la gestion du temps a été complexe et a demandé des efforts d’adaptation constant aux élèves, tout comme les aléas techniques inévitables.

C’est ce qui en fait un projet riche et un terreau idéal pour amener les élèves à développer les compétences visées.

Au cours de ce projet, la question de l’évaluation s’est posée. Les compétences du 21ème siècle représentent un type d’aptitude qui n’est pas traditionnellement lié aux normes et aux compétences sur lesquelles les élèves sont évalués. Partant du principe que la question de l’auto-évaluation était primordiale puisque c’est précisément cette capacité qui permettrait à nos élèves de progresser et s’adapter tout au long de la vie, nous avons décidé de faire reposer une grande partie de l’évaluation sur leur propre jugement. Outre le fait d’amener les élèves à améliorer leur estime d’eux-mêmes en ciblant leurs atouts et qualités, cette évaluation auto-référée (c’est à dire qui prend en compte les progrès) permet également d’engager les élèves vers des buts motivationnels de maîtrise préférables aux buts externes telle qu’une note donnée par l’enseignant par exemple. Or notre objectif est bien d’outiller les élèves avec une nouvelle compétence d’auto-évaluation constructive, dont ils pourront se saisir tout au long de leur parcours professionnel pour évoluer.

L’évaluation a donc naturellement constitué une séquence à part entière dans notre projet. 

Déroulé de la séquence :

Objectif général : Evaluer un travail collectif réalisé dans le cadre du concours « Je filme le métier qui me plaît ».

  • Objectifs d’apprentissage :
  • Accroître la compréhension de soi en prenant le temps de réfléchir à sa posture individuelle et entre pairs.
  • Identifier ses atouts et les compétences comportementales qui ont permis de faire avancer le collectif et qu’il sera nécessaire de développer pour atteindre son objectif professionnel.
  • Développer la capacité à s’auto-évaluer.

Cadre :

Compétences du socle commun :

  • Domaine 2. : 2.2 Coopérer et réaliser des projets / 2.4 Mobiliser des outils numériques pour apprendre, échanger, communiquer
  • Domaine 3 : 3.1 Maîtriser l’expression de sa sensibilité, de ses opinions, respecter celles des autres

CRCN :

  • Domaine 2. : 2.2 Interagir / 2.3 Collaborer

 

Déroulé :

Accueil des élèves et explicitation des objectifs : définir ensemble les critères qui permettront d’évaluer la production finale et identifier les compétences comportementales individuelles qui vont être nécessaires durant le projet.

  • Une note sera attribuée par les pairs et pour l’ensemble du groupe pour le montage technique des vidéos (nous évaluerons donc ici les hard skills).  
  • Une autre individuelle portera sur les compétences comportementales (les soft kills). Celle-ci reposera en grand partie sur l’auto-évaluation et sera réalisée au moins deux fois au cours du projet afin de mesurer l’évolution.

– Après un temps de réflexion individuel, les élèves reprennent leur place dans leur groupe et mettent leurs idées en commun. Chaque groupe doit être muni d’un téléphone portable ou d’une tablette afin de publier les critères qui émergent sur Wooclap, après avoir scanné le Qrcode.

Wooclap a ici été utilisé comme déclencheur de parole, support du débat pour établir nos grilles d’évaluations communes.

– Un temps d’échange est ensuite proposé en classe entière : nous listons chacun des critères soumis et le porte-parole du groupe explique en quoi il sera pertinent selon eux pour évaluer le travail. Nous procédons de même pour les compétences comportementales en précisant l’intérêt de les développer, sur ce projet et au-delà dans le monde professionnel à l’appui d’exemples issus notamment de leurs périodes de stages. Nous aboutissons ainsi à deux fiches d’évaluation co-construites.

– Nous clôturons la séance par le travail d’auto-évaluation personnelle : les élèves se positionnent sur la fiche d’auto-évaluation en fonction de leur niveau de maîtrise des compétences à ce moment du projet.

 

Bilan : L’autoévaluation est un outil efficace pour aider les élèves à identifier leur fonctionnement, leurs acquis, leurs lacunes, leurs progrès, notamment en terme de compétences. Elle les inscrit dans une démarche réflexive. Et plus que des savoirs nouveaux en matière d’orientation, c’est bien le comportement qui est essentiel, le rapport au groupe, à l’imprévu, à la complexité … qui doit être travaillé. Mettre l’élève en activité ne suffira pas pour développer ces compétences du 21ème siècle. Il est indispensable de renforcer leur capacité à les identifier afin qu’ils soient en mesure de les réinvestir ultérieurement.

Ce travail métacognitif devra être réitéré régulièrement, dans plusieurs contextes différents, afin que les élèves puissent gagner réellement en autonomie en parvenant à se positionner avec justesse. Cela constituera la clef pour obtenir un gain en terme d’apprentissages et de confiance en soi.

L’éducation à l’orientation ne peut donc pas, aujourd’hui, faire l’impasse sur l’acquisition des soft kills, d’une part, parce que leur maîtrise assure une meilleure orientation en se basant sur une connaissance éclairée de soi-même,  de ses atouts et aspirations, mais aussi parce qu’elle leur assurera la capacité à s’insérer en tant que citoyen dans un monde du travail mouvant, et au-delà dans une société de plus en plus complexe.

Quelques ressources :

  • Les compétences du XXIe siècle. https://jobdd.onisep.fr/les-competences-du-xxi-siecle. Consulté le 26 avril 2024.
  • Giret, J.F. (2017) Ces compétences sociales et comportementales décisives. Inffo formation, 930, p. 27. 
  • Cieutat, Pierre, et Sylvain Connac. Coopération et évaluation: pour ne décourager aucun élève. Chronique sociale, 2021.
  • Connac, Sylvain. Enseigner sans exclure: la pédagogie du colibri. « Cahiers pédagogiques » ESF éditeur, 2017.
  • Michel Develay. Les compétences de vie en classe. De Boeck Supérieur, 2023.
Les Compétences du 21ème siècle pour repenser le projet d’orientation

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