Parce que la différence peut faire peur, parce que la différence nécessite de faire des effo
rts, mais surtout parce que la différence représente une richesse, nous avons souhaité, en tant que professeur-documentaliste et coordonnatrice de l’ULIS, initier dans notre collège un événement permettant de réfléchir aux enjeux de la différence et du vivre-ensemble.
Cette initiative a permis d’impliquer activement les élèves, tout en sensibilisant l’ensemble de la communauté éducative aux enjeux de l’inclusion. Dans cet article, nous reviendrons sur la genèse du projet, son déroulement et les enseignements que nous en avons tirés. Mais commençons tout d’abord par nous intéresser à l’enseignement spécialisé et la politique inclusive promue par le ministère de l’Éducation Nationale.
Retour historique sur la scolarisation des élèves en situation de handicap
L’histoire de la scolarisation des élèves en situation de handicap est marquée par une évolution lente mais significative vers davantage d’inclusion et de reconnaissance.
Un tournant majeur s’est opéré avec la loi d’orientation de 1975, qui a posé pour la première fois le principe du droit à l’éducation pour tous les enfants. La loi de 2005 a renforcé ce principe en favorisant la scolarisation en milieu ordinaire. Depuis, depuis 2010, des dispositifs comme les ULIS (Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire ) et l’accompagnement par les AESH (Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap) permettent une inclusion plus large des élèves en situation de handicap. L’École inclusive a pour objectif d’adapter l’école aux besoins de chacun, en encourageant l’autonomie, la socialisation et la réussite de tous. L’ambition est claire : bâtir une école dans laquelle la différence n’est plus un obstacle, mais une richesse. C’est dans cet esprit qu’a été organisée la Semaine des différences au collège : une occasion de sensibiliser les élèves à la diversité, de déconstruire les préjugés… et d’apprendre ensemble, autrement.
Contexte et genèse du projet
Créé dans notre établissement en 2020, le dispositif ULIS fonctionne de manière satisfaisante, les élèves bénéficiant du dispositif trouvent toute leur place au sein des classes.
Les élèves accompagnés par le dispositif présentent des troubles des fonctions cognitives. Ces difficultés peuvent concerner la mémoire, l’attention, le langage ou la compréhension, ce qui complique certains apprentissages. Pour autant, ces élèves sont capables de suivre les cours en classe avec leurs camarades , grâce à des adaptations et des aménagements mis en place en fonction de leurs besoins. Cette année, dix élèves en bénéficient : trois en 6ᵉ, deux en 5ᵉ, trois en 4ᵉ et deux en 3ᵉ.

Ce dispositif demande donc à chacun (en situation de handicap ou non, élèves et adultes) de fournir un effort pour permettre l’adaptation. Le processus d’adaptation est parfois difficile, il peut générer des frustrations. Des frustrations qui peuvent parfois faire oublier tout l’intérêt d’apprendre à vivre ensemble malgré nos différences.
Partant de ce constat, et convaincues de la chance que représente le dispositif ULIS pour tous, nous avons souhaité proposer un temps fort de sensibilisation au vivre-ensemble. Initialement centré sur le handicap, le projet a rapidement élargi sa portée pour aborder la pluralité des différences : handicaps visibles et invisibles, croyances, identités de genre, stéréotypes, normes sociales, etc.
Une organisation participative et inclusive
L’un des principes directeurs du projet fut l’implication active des élèves, en particulier ceux bénéficiant du dispositif ULIS, mais aussi d’élèves volontaires issus de l’ensemble des classes. Après un appel à candidatures diffusé via la messagerie interne de l’établissement et relayé par le Conseil de Vie Collégienne (CVC), une quinzaine d’élèves se sont mobilisés.
Afin que les élèves s’approprient le projet et soient rapidement impliqués, nous avons souhaité organiser la première réunion du groupe de manière à ce qu’ils puissent formuler des choix. Ainsi, ils ont voté pour le nom à attribuer à cette semaine des différences, qui sera finalement intitulée « Tous uniques ». Ils ont aussi choisi les thématiques quotidiennes abordées dans la semaine selon le programme suivant :
- Lundi : Laïcité et religions du monde
- Mardi : Stéréotypes et égalité filles-garçons
- Jeudi : Handicaps, avec un focus sur les handicaps invisibles
- Vendredi : Normes sociales et questionnement de la notion de « normalité »
Des actions variées pour sensibiliser et fédérer
Pour que l’événement soit une réussite, nous devions atteindre deux objectifs : que tous les élèves de l’établissement soient sensibilisés et que les élèves mobilisés soient acteurs au cours de cette semaine.
Une campagne d’affichage cohérente
Pour sensibiliser tous les élèves de l’établissement, nous avons décidé de mettre en place une campagne d’affichage progressive.

Le programme était le suivant : quelques jours avant le début de la semaine des différences, mettre en place un affichage indiquant l’organisation prochaine de « Tous uniques » et la présentation des différentes thématiques. Ensuite, chaque jour, les élèves installaient de nouvelles affiches présentant des citations en lien avec la thématique du jour.
Cet affichage massif a permis à cette action de ne pas passer inaperçue mais aussi de mobiliser des élèves qui auraient été en difficulté pour organiser des ateliers ou les mener. Pour donner une cohérence à l’affichage, une charte graphique a été définie, celle-ci s’appuyant notamment sur l’utilisation comme logo d’un tangram -symbole de diversité et d’unité- chaque jour différent mais toujours composé des mêmes pièces.

Des ressources accessibles à tous
Pour que tous les élèves soient sensibilisés, nous avons aussi choisi de leur proposer, chaque jour, un ensemble de ressources (vidéos, articles, jeux…) permettant à chacun de réfléchir de manière autonome aux thématiques abordées.
Des temps forts au CDI
Au cours de cette semaine, le CDI accueillait une exposition proposée par l’association Une souris verte, autour du handicap.

Des projections de films documentaires, des cafés philo et des quiz interactifs ont été proposés notamment pendant les pauses méridiennes, animés en partie par les élèves volontaires.
Pour un engagement pluridisciplinaire
Les professeurs de l’établissement ont aussi été sollicités pour participer à cette semaine. Un document leur proposant un ensemble d’activités pour chaque jour leur a été communiqué.
Soulignons, l’implication d’une collègue d’EPS qui a organisé au cours de cette semaine, en collaboration avec le Conseil départemental du Doubs, des ateliers de découverte de para-sports. Les élèves ont ainsi pu découvrir des para-sports tels que le volley assis, la boccia, le céci-foot…

Bilan de la semaine
Cette première édition, bien que perfectible, a confirmé l’intérêt de mettre en lumière les différences comme une richesse collective. Nous avons réussi à sensibiliser l’ensemble de l’établissement à la question du vivre-ensemble. De plus nous avons aussi réussi à mobiliser un groupe d’élèves dans une démarche citoyenne et coopérative.
Certains ajustements seront nécessaires pour l’avenir. La structuration par journée thématique, bien qu’efficace pour couvrir une diversité de sujets, a parfois limité la collaboration entre disciplines. Les ateliers para-sports et les activités proposées au CDI ont rencontré un franc succès mais nous avons manqué de temps pour organiser une plus grande collaboration avec l’ensemble de la communauté éducative. Enfin, les groupes d’élèves volontaires, bien qu’investis, ont eu tendance à se constituer par affinités, réduisant la mixité espérée.
Vers une deuxième édition ?
Cependant, prendre le temps de sensibiliser chacun à l’importance de nos différences, quelles qu’elles soient. Prendre le temps de réfléchir ensemble sur la manière dont les différences peuvent parfois créer des incompréhensions ; mais surtout prendre le temps de comprendre en quoi elles représentent une véritable richesse pour le groupe. Mettre l’accent sur l’acceptation de soi et des autres, et sur la façon dont nos singularités peuvent être une chance pour la communauté. L’ensemble de ces objectifs, certes difficiles à atteindre, sont si essentiels pour la construction des futurs citoyens que nous projetons déjà l’organisation d’une deuxième édition.
Cette deuxième édition pourrait nous permettre d’intégrer davantage la communauté éducative, renforcer la co-animation inter-niveaux et inter-classes, et faire une place plus grande à l’évaluation des effets du projet sur les représentations des élèves.
