En septembre 2022, la classe de 1e bac pro ASSP (Accompagnement Soins et Services à la Personne) a entamé un travail sur deux ans dans le cadre du chef d’œuvre. Les cours hebdomadaires de deux heures sont menés par trois enseignantes : Valérie Liger, professeure documentaliste, Nathalie Maillarbaux, professeure de maths-sciences et Virginie Mathiot, professeure de Sciences et Techniques Médico-Sociales. La perspective de fêter le bicentenaire de la naissance de ce scientifique né dans la région nous a semblé être une occasion à saisir dans une filière où le soin, l’hygiène, la microbiologie… sont étudiés.

S’intéresser aux travaux de Louis Pasteur ouvre de nombreuses perspectives de travail sur des domaines variés qui rentrent dans les référentiels de compétences des trois enseignantes : la découverte des micro-organismes, le principe de la vaccination, la cristallographie, la fermentation, l’asepsie, la pasteurisation… Dans le cadre des recherches que les élèves vont être amenés à réaliser, les compétences info-documentaires seront bien sûr mises en œuvre : mobiliser ses connaissances, analyser, s’informer, communiquer, rédiger, s’exprimer.

Comment rendre vivant ce projet sur deux années ? Comment impliquer les élèves et emporter leur adhésion ? Nous avons conçu une progression par étapes en faisant varier les temps forts. Voici le déroulement pour la première année de ce projet qui s’étalera sur deux ans.

 

Quelques éléments sur la genèse de ce projet

Il a commencé à germer en avril 2022. Plusieurs échanges et réunions de concertation ont permis de rédiger une demande de subvention auprès de la DRAEAC et la DRAC en mai : il a fallu contacter les structures, vérifier la faisabilité des visites, demander des devis, équilibrer le budget prévisionnel. Ce projet a pu être financé finalement grâce à l’appel à projet, au pass culture et à l’établissement. Nous avons débuté dès la rentrée. Régulièrement, nous avons pu lors de réunions de concertation faire le point sur l’avancement, définir la suite du contenu des séances et nous répartir le travail, déterminer des critères d’évaluation dans les travaux notés tout au long de l’année. Ces heures de concertation ponctuelles, dégagées sur nos heures de cours par l’administration, ont été mises à profit mais n’ont pas suffi. Régulièrement, nous nous sommes revues toutes les trois. Cela prend du temps mais les échanges sont riches et permettent que chacune apporte son point de vue et ses compétences selon sa discipline. Les élèves ont dans l’ensemble apprécié de terminer la semaine avec ces deux heures de chef d’œuvre encadrées par les trois enseignantes. Nous verrons l’année prochaine s’ils y ont trouvé du sens et si la démarche de projet a été comprise.

 

Septembre octobre : Les génies de la science

Nous démarrons avec un travail en groupe pour faire le point sur les connaissances de la classe sur Pasteur. En groupes, les élèves réalisent une carte mentale. Voici les éléments qui ressortent au sein de la classe.

Nous détaillons les attendus de l’épreuve de chef d’œuvre évaluée pour l’obtention du bac professionnel.

Présentation des attendus du chef d'oeuvre

Qui est Pasteur ? A partir de l’exposition itinérante Les génies de la science, empruntée au Pavillon des sciences de Montbéliard,  nous avons demandé dans un premier temps aux élèves de répondre à un questionnaire. Il permet de faire le point sur l’essentiel de tous les panneaux.  La classe découvre ainsi les parcours et les découvertes de plusieurs scientifiques : Galilée, Einstein, Pierre et Marie Curie, Humboldt, Darwin, Wegener, Pasteur, Hubble et enfin le trio découvreur de l’ADN, Criks, Watson et Franklin.

Deuxième travail sur cette exposition : par binôme, les élèves se consacrent à un scientifique. Ils prélèvent les informations essentielles et s’attachent à la structure de l’affiche. Ils s’entraînent à en faire une présentation courte à l’oral à leurs camarades en se servant des titres et sous-titres mais surtout, des illustrations. Ils sont en quelque sorte les ambassadeurs du ou de la scientifique. La difficulté principale consiste à comprendre la teneur des découvertes et à être capable de les expliquer simplement en se détachant du texte des affiches. Pour certains élèves, prendre la parole devant la classe et les enseignantes s’avère une réelle source de stress et ils perdent leurs moyens. Nous prenons le temps la séance suivante de donner des conseils pratiques et théoriques sur ce phénomène.

Gérer son stress

Une fiche de synthèse est rédigée  par chaque élève afin de garder une trace du travail.

 

Décembre : à la rencontre de Louis Pasteur

Après la période de formation en milieu professionnel, les élèves reviennent en décembre et se focalisent maintenant sur Louis Pasteur. Un certain nombre d’ouvrages a été acheté pour le fonds du CDI (sélection à découvrir en ligne). Les élèves vont faire des recherches documentaires sur le scientifique : quelles découvertes ? quel parcours ? quelle formation ? Nous répartissons la classe en binôme : chacun se documente sur la biographie de Pasteur et en plus, fait un focus sur un thème particulier : la fermentation, le choléra des poules, le charbon du mouton, lé pébrine, la cristallographie, l’asepsie, le vaccin contre la rage, la fermentation du lait, les lieux importants liés à Pasteur, la fermentation du vin ou les Instituts Pasteur. Dans un souci de gain de temps, nous avions préparé un relevé précis des informations disponibles pour chaque sujet dans les ouvrages : les élèves n’ont pas participé à la phase de sélection des documents.

Nous demandons à ce que ce travail soit restitué sous la forme de sketchnote : cette façon de restituer de manière visuelle et organisée nous semble adaptée pour ce type de travail. Au préalable, nous en avons montré un aux élèves  sur la vie d’Albert Einstein : la classe a relevé qu’il y avait une organisation dans la page, l’utilisation de séparateurs, de typographies différentes pour les titres et les sous-titres, le nombre de couleurs (trois maximum)…

 

Janvier : premières expérimentations

La classe accueille Marie Gallot des Ateliers Pasteur. Lors d’une séance, elle revient sur les grands principes de la microbiologie que les élèves ont déjà eu l’occasion d’étudier avec leurs enseignantes dans les matières professionnelles. On parle micro-organismes, lavage des mains, désinfection des surfaces selon des protocoles. Les élèves sont invité.es à faire des prélèvements sur diverses surfaces : mains sales, lavées au savon ou au gel hydroalcoolique, sur une fermeture éclair qu’une élève a tendance à suçoter, cheveux, table désinfectée ou pas, bague, téléphone portable, lunette de WC… Le prélèvement est mis en culture dans une boite de Pétri. Rendez-vous est pris pour découvrir une semaine plus tard ce que sont devenues les cultures.

Direction Dole pour une journée sur les traces de Pasteur. Nous retrouvons les Ateliers Pasteur : les élèves découvrent l’évolution des micro-organismes en culture et font le constat que les prélèvements sur cheveux, barrette, fermeture éclair, portable sont beaucoup plus développés que ceux faits sur des mains propres ou une surface désinfectée. Ils ont la preuve de ce qu’ils apprennent en cours. Puis ils observent des colonies aux microscopes, découvrent la galerie Api, une technique utilisée en bactériologie pour déterminer le germe selon ses caractères biochimiques. Ensuite, ils réalisent un antibiogramme, cette technique utilisée par le laborantin qui permet de tester la sensibilité d’une bactérie à un antibiotique. Enfin, la dernière expérience proposée consiste à se désinfecter les mains au gel hydroalcoolique et à les passer ensuite sous une lampe à UV. Les élèves découvrent des taches plus sombres, elles correspondent  aux zones qui ont été moins bien frottées. Pour ces futurs professionnels dans le soin et le service à la personne, c’est très instructif de voir que malgré une vigilance accrue, le nettoyage des mains est toujours perfectible.

L’après-midi, après la traversée de la ville et la découverte des lieux emblématiques dolois, direction la maison natale de Louis Pasteur, une ancienne maison de tanneurs. La visite guidée tombe bien : elle permet de consolider les connaissances acquises sur le savant lors des recherches documentaires et complète aussi les travaux des élèves.

De retour au lycée, les séances qui suivent sont consacrées au compte-rendu individuel de ces visites. Arrive la seconde période de formation en entreprise (dans le montage d’un projet, nous devons anticiper bien en amont, au printemps précédent, les grandes étapes en tenant compte des Périodes de Formation en Milieu Professionnel, les vacances, les Contrôles Continu en Cours de Formation. Cela demande de l’organisation et une bonne coordination dans l’équipe pédagogique et avec les partenaires).

 

Février :   une séance découverte sur les métamorphoses du lait

La Colporteuse des sciences Nutrition Alimentation arrive du Pavillon des sciences de Montbéliard. Les élèves s’interrogent, émettent des hypothèses, expérimentent, fabriquent même du fromage et du beurre ! De nouveau, un compte-rendu de la séance est rédigé par chaque élève.

Mars : des ateliers pour des petits scientifiques

Toutes les séances sont dédiées à la préparation de la dernière étape du projet, pour cette année du moins. La classe de 1e dans le cadre de ses cours d’enseignement professionnel apprend à créer des animations à destination de divers publics. L’objectif est d’accueillir au lycée une classe de CM2 de l’école voisine et de leur proposer diverses expériences. Tout d’abord, dans un corpus de livres adaptés au public, les binômes repèrent deux expériences.  Ils complètent un mur collaboratif avec toutes les indications nécessaires : références de l’ouvrage, nom de l’expérience, matériel nécessaire. Avant la séance suivante, l’enseignante de maths sciences valide ou pas les choix des élèves : des ingrédients trop coûteux, une manipulation trop longue, trop salissante (fabriquer du slime, par exemple) ou trop dangereuse… peuvent inciter à demander aux élèves de faire une autre proposition.

Les élèves complètent ensuite des fiches : une pour chaque expérience, une sur la démarche. La plus grosse difficulté réside dans la compréhension du principe scientifique mis en œuvre mais surtout, dans la capacité des élèves à l’expliciter en des mots compréhensibles par des CM2. Être capable de vulgariser est une compétence complexe pour les élèves. Les séances suivantes vont permettre aux élèves de réaliser leurs deux expériences, de vérifier que ça fonctionne et de changer si jamais l’une est trop compliquée à mettre en œuvre ou avec une chance de réussite trop aléatoire (ça arrive !). Tout est presque prêt. Nous insistons sur une dernière chose : les lycéens doivent être capables d’accompagner les élèves dans les différentes étapes de la démarche scientifique. Nous insistons sur la méthodologie et y consacrons une séance complète car, fortes de l’expérience des années précédentes, nous savons que c’est une compétence difficile. Bien souvent, les lycéens se contentent de guider les élèves dans les gestes à accomplir, sans les questionner, sans recueillir leurs hypothèses, sans interagir vraiment avec eux. Mais est-ce que ce sera suffisant ?

En parallèle à ces préparatifs qui ont lieu lors des deux heures hebdomadaires de chef d’œuvre, avec les trois enseignantes à l’origine du projet, une quatrième professeure entre en scène. Dans le cadre de ses cours d’animation, elle accompagne les élèves dans les préparatifs : réalisation de badges avec les prénoms des enfants, des lycéens et des adultes qui encadrent ; répartition des rôles : préparation de la salle, du matériel, des tables ; accueil ; animation des ateliers ;  vaisselle entre chaque atelier, signal sonore pour les rotations ; rédaction d’un questionnaire de satisfaction ; remise en ordre et ménage… Comme tous les ateliers n’ont pas la même durée, les élèves prévoient des activités pour qu’il n’y ait pas de temps creux : des mots-cachés sur le matériel scientifique, de petites énigmes… le tableau de répartition des rôles est affiché dans la salle : les élèves s’y référeront régulièrement pendant l’animation de façon assez naturelle.

Fin avril, les CM2 investissent enfin l’établissement, très enthousiastes et fiers de rentrer dans le lycée qui côtoie leur école. Tout se passe dans une ambiance apaisée, les rotations sont fluides, les lycéennes efficaces, autonomes et capables d’esprit d’initiative quand il s’agit d’aider une table voisine dans sa vaisselle par exemple. Les enfants repartent fiers comme Artaban avec un diplôme de petit scientifique préparé par nos élèves. Cependant, nous avons constaté que l’accompagnement des écoliers a de nouveau consisté en des indications de manipulations à exécuter et non en un questionnement et un accompagnement des écoliers dans leur démarche scientifique. Les lycéens avaient bien du mal à prendre un peu de hauteur pour expliquer. Il est vrai que la compétence est complexe : comprendre le principe scientifique en œuvre, le faire comprendre, être à l’écoute des hypothèses formulées, interagir.

La méthode scientifique par Elise Gravel

Par conséquent, dans les deux séances suivantes, nous repartons en salle de sciences, nous revenons sur ce point qui nous semble important. Cette fois, les binômes refont un par un devant la classe une des deux expériences en étant particulièrement vigilants sur les différentes étapes de la méthode scientifique (cf affiche d’Élise Gravel). Ce travail à l’oral est évalué.

Cette année s’achève avec un temps donné aux élèves pour rédiger le compte-rendu de cette dernière activité, de récupérer des photos prises par nos soins lors des temps qui ont jalonné le projet.

 

L’année prochaine

Tout au long des deux ans, l’ensemble des documents relatifs au projet est collecté par chacun dans un classeur dédié au chef d’œuvre : ils présenteront leur démarche et leur investissement lors d’une épreuve deux ans plus tard, en fin de terminale. C’est une épreuve comptant pour l’obtention de leur diplôme, qui nécessite d’avoir compris les enjeux du projet, d’avoir un esprit synthétique et aussi une bonne maîtrise de l’oral.

Celui-ci se poursuivra en 2023-2024. Les élèves seront alors en terminale. Nous les emmènerons à nouveau dans le Jura dans l’autre maison de la famille Pasteur à Arbois. Ils découvriront aussi les secrets de la fabrication du comté à l’École Nationale de l’Industrie Laitière (ENIL) de Poligny, visiteront les caves d’affinage du Fort Saint-Antoine dans le Doubs. Nous prévoyons également  un temps d’entraînement à la prise de parole en vue de l’oral évalué du chef d’œuvre, notamment sur la construction du discours et la gestion du stress, deux compétences qui nous semblent essentielles à maîtriser dans cette classe. Nous avons encore d’autres idées à mettre en œuvre, l’année promet d’être de nouveau riche !  

 

Récapitulatifs des documents partagés  :  fiche synthétique sur un scientifique + consignes pour la biographie de Pasteur + fiche expérience + fiche démarche + séance sur la démarche scientifique

 

Une classe de bac pro part sur les traces de Louis Pasteur

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