L’étude « Les Français et les IA génératives. Vague 2 » menée par Talan et l’Ifop, révélait en avril 2024 que 31 % des utilisateurs d’IA génératives (IAG) y effectuent des recherches comme sur un moteur de recherche. Du côté des collégiens et lycéens, « quand les élèves utilisent l’IA, c’est d’abord pour faire des recherches sur internet (75 % des répondants) » (enquête en ligne réalisée par CRAP,  sur participation volontaire et anonyme, entre le 4 décembre 2024 et le 4 mars 2025).
Ces deux études révèlent des usages d’outils d’IA comparatifs aux moteurs de recherche. Elles mettent en lumière la confusion entre IAG et moteur de recherche.

 

Les IAG seraient donc les modèles ou les versions évoluées des moteurs de recherche ? Divers questionnements se posent : assistons-nous à la fin programmée des moteurs de recherche ? Au contraire, ceux-ci vont-ils s’adapter et évoluer avec l’IA ? Comment l’IA transforme notre manière de rechercher des informations sur le Web ? Quelles sont les différences significatives entre les deux approches (moteurs de recherche “classiques” / moteurs alimentés par l’IA) ? Quelles sont les plus-values et les limites de ces nouveaux outils ? Est-ce que l’intégration de l’IA à un moteur de recherche apporte un réel service supplémentaire à l’utilisateur ? S’il est encore trop tôt et précipité pour y répondre, le sujet mérite réflexion.

 

1. Un retour nécessaire aux définitions

Un moteur de recherche est un outil de recherche automatisé qui permet de trouver des informations sur le web en entrant des mots-clés pour formuler une requête. Il utilise des robots d’exploration (ou crawler) et des algorithmes pour parcourir les pages web publiques et les indexer, afin de fournir des résultats pertinents en réponse à une requête de l’utilisateur. Tous les mots des pages web et des documents collectés sont indexés automatiquement, selon des méthodes d’analyse linguistique et statistique. Pour trouver des informations, le moteur de recherche cherche dans sa base de données (son index). Pour afficher les résultats, le moteur compare les mots de la requête avec les chaînes de caractères qu’il a enregistrées dans son index. Il affiche ensuite ces résultats sur une page, selon le classement qu’il a établi. Il y a donc des sources identifiées et a priori identifiables.

A l’inverse, une IAG est capable de traiter des données et de créer des contenus (texte, image, audio, vidéo) en utilisant des techniques d’apprentissage automatique, de reconnaissance de formes, de traitement du langage naturel, etc. Il n’y a aucune source identifiée ou identifiable dans les réponses générées.

De fait, la principale différence entre un moteur de recherche et une IAG réside donc dans leur objectif et leur approche. Un moteur de recherche a pour but de trouver des informations existantes et sourcées, alors qu’une IAG est utilisée pour créer des contenus sur la base d’une pertinence statistique.

Il y a donc une confusion volontaire lorsque les moteurs de recherche sont aussi « alimentés » par une IA. Wikipédia définit Perplexity AI comme « une plateforme de recherche combinant moteur de recherche et agent conversationnel […], un « moteur de réponse » plutôt qu’un moteur de recherche ».
Ces outils combinent un moteur de recherche traditionnel, permettant d’aller chercher des résultats, et un modèle de langage (LLM) capable de les organiser et de les mettre en forme.

Difficile pour un usager de ne pas se perdre dans ces minces distinctions, d’autant que la littérature scientifique ne précise pas réellement les différences entre ces différents outils et ne dressent pas les contours de ces définitions. Il n’y a, à l’heure actuelle, aucun consensus scientifique. En témoigne Duck.ai, l’assistant IA du moteur de recherche DuckDuckGo. D’ailleurs, lorsqu’on lui pose la question directement, la réponse générée laisse perplexe : « Duck AI fait référence à l’intelligence artificielle intégrée dans les services de DuckDuckGo ».

Ces « moteurs de réponses » fournissent des réponses directes et contextualisées, opérant ainsi une rupture significative avec les moteurs de recherche traditionnels. Cette évolution se manifeste tant dans les modalités d’interrogation – où le langage naturel supplante les opérateurs booléens et les dispositifs de filtrage – que dans la nature des résultats fournis, qui ne se présentent plus sous forme de listes de liens, mais sous la forme de réponses rédigées. Il s’agit là d’un glissement des « moteurs de recherche » vers de véritables « moteurs de réponse ».

2. Avantages et limites de ces outils

L’institut d’études Gartner prévoyait d’ici 2026 une baisse de 25 % du volume des requêtes sur les moteurs de recherche traditionnels au profit des robots conversationnels IA (chabots) et autres IAG. Or la position dominante historique de Google reste toujours aussi forte.
https://doingenia.com/blog/comment-evolue-lutilisation-de-google-vs-les-outils-dia-generative/

Les moteurs de recherche traditionnels ont fait leurs preuves : ils sont rapides, fiables pour les informations factuelles et renvoient vers des sources vérifiables. Leur limite principale réside dans la difficulté à traiter des requêtes complexes ou ambiguës.

Critère Moteur de recherche IAG
Fonction principale Trouver et afficher des résultats provenant du web Générer du contenu original basé sur des modèles d’apprentissage
Source des informations Bases de données et index du web Données d’entraînement et analyse du contexte
Interaction Répond avec des liens et extraits de texte Produit du texte, des images ou du code sur mesure
Objectif Fournir des informations existantes Créer du contenu nouveau et adapté à la demande
Exemple d’utilisation Recherche de faits, d’articles ou de produits Rédaction de textes, de résumés ou de réponses personnalisées

https://aiexplorer.io/guides-ia/les-outils-ia-de-recherche-et-google/

Les robots conversationnels, également appelés chatbots, imitent la conversation humaine et sont capables de répondre à des questions en traitant des bases de données de connaissances vastes et variées. Bien qu’ils partagent certaines similarités avec les moteurs de recherche, ils présentent aussi des différences notables, que l’on retrouve dans le tableau suivant.

Moteurs de recherche sur le web IAG
Avantages :

  1. Accès à une vaste quantité d’informations : Les moteurs de recherche indexent des milliards de pages web, offrant un accès à une grande variété de contenus.
  2. Actualisation des données : Les résultats sont souvent mis à jour en temps réel, permettant d’accéder aux informations les plus récentes.
  3. Sources multiples : Les utilisateurs peuvent consulter plusieurs sources pour vérifier les informations et obtenir des perspectives différentes.
  4. Navigation et exploration : Les moteurs de recherche permettent de naviguer facilement entre différents sites et contenus.
Avantages :

  1. Réponses personnalisées : Les IAG peuvent fournir des réponses adaptées aux questions spécifiques des utilisateurs.
  2. Synthèse d’informations : Elles peuvent résumer des informations provenant de diverses sources, offrant une réponse concise.
  3. Interactivité : Les utilisateurs peuvent poser des questions de suivi et obtenir des clarifications en temps réel.
  4. Créativité : Les IAG peuvent produire du contenu original, comme des textes, des idées ou des solutions créatives.
Inconvénients :

  1. Surcharge d’informations : La quantité d’informations peut être écrasante, rendant difficile la recherche de réponses précises.
  2. Qualité variable des sources : Toutes les informations trouvées ne sont pas nécessairement fiables ou vérifiées.
  3. Temps de recherche : Trouver l’information exacte peut prendre du temps, nécessitant souvent plusieurs requêtes.
  4. Publicité et biais : Les résultats peuvent être influencés par des publicités ou des algorithmes qui favorisent certains contenus.
Inconvénients :

  1. Limitation des connaissances : Les IAG sont basées sur des données préexistantes et peuvent ne pas avoir accès aux informations les plus récentes.
  2. Précision variable : Les réponses peuvent parfois être inexactes ou manquer de nuances, car elles ne vérifient pas les faits en temps réel.
  3. Manque de sources : Contrairement aux moteurs de recherche, les IAG ne fournissent pas toujours des références ou des sources pour les informations données.
  4. Biais algorithmique : Les IAG peuvent reproduire des biais présents dans les données sur lesquelles elles ont été formées.

Moteur de recherche intégrant l’IAG (ou nouvelle génération) : l’exemple de Perplexity

Attention, ces éléments peuvent varier en fonction de l’évolution de l’outil et des mises à jour régulières.

Avantages
Inconvénients
  1. Réponses rapides : Perplexity fournit des réponses instantanées à une grande variété de questions.
  2. Interface intuitive : l’interface est simple et facile à utiliser.
  3. Accessibilité à l’information : Perplexity ne se contente pas de lister des liens. Il analyse les requêtes et fournit des réponses contextualisées, tout en citant ses sources.
  4. Personnalisation de la recherche : à la fin de chaque réponse générée, le moteur suggère d’autres questions pour aller plus loin ou approfondir un sujet.
  1. Manque de compréhension contextuelle profonde : l’IA peut manquer de compréhension du contexte précis d’une question, ce qui peut entraîner des réponses inexactes ou inappropriées dans des situations complexes.
  2. Dépendance à des sources externes : Perplexity se base sur des sources externes pour fournir ses réponses, ce qui peut introduire des erreurs ou des biais en fonction des informations disponibles dans ces sources.
  3. Limitations dans les domaines spécialisés : Bien qu’efficace pour des questions générales, Perplexity peut avoir du mal à fournir des réponses parfaitement précises ou détaillées dans des domaines très spécialisés.
  4. Problèmes de cohérence sur le long terme : Dans des conversations longues, Perplexity peut perdre de la cohérence et ne pas maintenir une continuité parfaite dans ses réponses, rendant l’expérience utilisateur parfois moins fluide.

Engager la nécessité de développer la comparaison et l’esprit critique : l’idée du pré-prompt

Source : https://educo.lecentrefranco.ca/2023/automne/dossier/?fbclid=IwAR0SMU1o_zrUA9UKUPLzbLQdf4DjmYYHsAaW7II-nORo34T2PvkBITc8sv4&utm_source=pocket_saves

3. Quelques points de vigilance à destination des utilisateurs concernant les moteurs de recherche dopés à l’IAG

  • Pour l’utilisateur, il devient de plus en plus difficile de vérifier la véracité des informations que l’on peut trouver avec l’avènement de l’IAG (contexte d’incertitude autour des sources et d’instabilité du document). Avec des moteurs alimentés par l’IAG, il n’est généralement pas nécessaire de visiter un site web ; l’outil se charge de la navigation et fournit toutes les informations sur la page de réponse.
  • Les deep fakes ont déjà posé la question de la véracité des vidéos car elles permettent de remplacer le visage d’une personne par un autre et de modifier les propos de façon très réaliste. Avec l’IAG, il sera plus complexe de vérifier l’authenticité d’une information, qu’il s’agisse de textes, de photos, de vidéos. En témoigne le réalisme de Sora.
  • Les IAG sont incapables de garantir la fiabilité des informations, d’autant plus quand elles sont utilisées comme moteur de recherche car ce n’est pas leur vocation. ChatGPT, par exemple, n’effectue à aucun moment une recherche d’information au sens strict du terme.
  • Une IAG ne constitue pas une source de connaissances. Elle donne l’illusion de produire du savoir mais ne fait que réorganiser du contenu puisé sur le Web.
  • Un moteur de recherche alimenté par l’IAG fournit une réponse rédigée. Par rapport à la version conventionnelle de ChatGPT, les réponses sont sourcées (liens vers les sites/pages à partir desquels il a bâti sa réponse). Pour le reste, l’utilisateur doit faire preuve de vigilance sur l’usage des réponses obtenues.
  • Les moteurs de recherche basés sur l’IAG ont tendance à “halluciner”, à inventer des réponses et à s’éloigner parfois de leur source. Ce qui constitue l’un des principaux obstacles à une adoption massive.

A retenir :

  • Les IAG sont confrontées aux mêmes questions économiques, sociales, informationnelles et éthiques que les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux ;
  • Elles nécessitent les mêmes points de vigilance ;
  • Elles renforcent la question des compétences informationnelles des utilisateurs.

Quelques recommandations :

  • Identifier ses besoins d’information et ses pratiques de travail ;
  • Identifier les outils à utiliser en fonction des tâches à réaliser ;
  • Limiter l’usage de l’IAG au strict nécessaire ;
  • Identifier la réelle valeur ajoutée (gain de temps et pertinence de ces outils) ;
  • Faire attention aux informations données / laissées (personnalisation des requêtes, confidentialité, RGPD). DuckDuckGo AI Chat est un chatbot qui ne collecte ni ne stocke vos données ;
  • Recourir aux alternatives (ne pas utiliser par facilité ou systématiquement les modèles les plus puissants, utilisation de moteurs de recherche classiques pour comparer les résultats (esprit critique) ;
  • Distinguer production de textes et production de connaissances ;
  • Garder la main sur ses recherches, confronter les résultats, analyser les sources pertinentes, recouper les informations restent toujours valables et d’actualité.

4. La question des compétences informationnelles : des référentiels à réévaluer

L’IA transforme radicalement notre manière de rechercher et d’interagir avec l’information. A l’opposé d’un moteur de recherche classique, l’usager ne fait plus l’effort de rechercher, trouver, trier, sélectionner les résultats et l’information qui lui sont proposés. En posant une question, en rédigeant un prompt de quelques lignes, l’utilisateur obtient une réponse détaillée sans avoir à naviguer et de se perdre entre plusieurs pages de résultats.

Le risque est de se contenter stricto sensu d’une réponse générée par un agent conversationnel, de faire confiance au gisement de données dans lequel il puise pour élaborer sa réponse. Un moteur de recherche oblige à consulter plusieurs sources pour trouver l’information recherchée, voire à synthétiser ou construire un résumé (redocumentarisation*). D’ailleurs, à l’instar des moteurs de recherche, le problème reste identique. Nous n’avons pas accès à cette boîte noire, à cet index ou base de données, en témoigne la question posée à ChatGPT.

* Création d’un document mis en forme à partir d’un ou plusieurs extraits de documents (source : matrice EMI ac. Toulouse).

Comme le souligne François Jeanne-Beylot (2022), “ La clé d’une recherche d’information efficace et réussie, réside dans la création d’une méthodologie d’investigation toujours nouvelle, certes appuyée sur celles déjà réalisées dans le passé, mais aussi fonction des résultats obtenus. Or les algorithmes, programmes et robots ne font aujourd’hui que répéter, compiler, concaténer, certes sur une grande quantité de données collectées et d’expériences acquises, mais ils ne savent pas créer. Ils ne sont pas doués d’imagination… La meilleure qualité pour exceller dans la recherche d’information est pourtant bien d’être créatif, imaginatif, avec le moins de limites et de cadres possibles ; finalement de penser différemment ! ” (source de la citation).

A l’usager de faire preuve d’esprit critique. Il faut considérer ces outils pour ce qu’ils sont c’est-à-dire des outils.

 

Chaque nouvelle technologie s’accompagne de l’élaboration de nouveaux référentiels. L’Unesco a publié dernièrement deux référentiels de compétences pour l’intégration de l’IA :

  • L’un à destination des enseignants recensant les connaissances, les compétences et les valeurs que ceux-ci doivent maîtriser à l’ère de l’IA ;
  • Un second à destination des apprenants, pour les préparer à devenir des citoyens responsables et créatifs à l’ère de l’IA.

Conclusion

  • Une IAG n’est pas un moteur de recherche : un moteur de recherche trouve ; une IAG est un modèle de langage (il imagine) ;
  • Le choix entre l’utilisation d’un moteur de recherche et d’une IAG dépend des besoins spécifiques de l’utilisateur. Pour des recherches approfondies et des informations vérifiées, les moteurs de recherche peuvent être plus appropriés. En revanche, pour des réponses rapides et personnalisées, les IAG peuvent offrir une expérience plus interactive et efficace ;
  • De l’utilisation des opérateurs booléens et de la recherche en langage naturel, les usagers doivent en parallèle apprendre à « prompter ». Il est fondamental de réfléchir à la rédaction du prompt, en préparant avec les élèves un pré-prompt regroupant des éléments de contextualisation et des contraintes liées à la tâche à accomplir. De la saisie de mots-clés, de requêtes sur le web, de l’utilisation de la recherche simple et avancée, nous passons à l’ère du prompting et l’utilisation de grands modèles de langage, qui consiste à formuler une question très précise à l’IAG afin d’obtenir des réponses approfondies et détaillées.
  • Un moteur de recherche fournit des résultats précis grâce aux opérateurs avancés ; à l’opposé, les moteurs de réponses limite l’accès et la transparence des résultats obtenus. Si certains services indiquent leurs sources, leur sélection demeure quant à elle opaque ;
  • Les IAG et les moteurs de recherche intégrant l’IA transforment radicalement notre manière de rechercher de l’information. Avec ces outils, la compétence de « sourcing » peut disparaître  (chercher et identifier les sources d’informations). A la charge et la responsabilité de l’usager de recouper les informations avec des outils traditionnels ;
  • Christophe Salomé, conseiller pédagogique Numérique de la circonscription de Vence, a élaboré une infographie présentant « Les 5 questions clés à se poser avant d’utiliser une IA générative ». Ces interrogations permettent de réfléchir à l’impact environnemental, aux biais possibles, aux implications légales et éthiques, ainsi qu’à la pertinence et la durabilité de nos usages.

Source : https://bsky.app/profile/profetc.bsky.social/post/3lmlykevy722k

L’enjeu actuel est de former les usagers à ne pas considérer et utiliser les IAG comme des moteurs de recherche. La popularité croissante de ces outils s’explique par leur capacité à comprendre le contexte des questions et à fournir des réponses détaillées, une approche qui s’adapte aux attentes d’usagers en quête d’informations rapides. ChatGPT et autres IAG et conversationnelles sont des outils d’assistance, non des moteurs de recherche alternatifs.
Comme le précise Anne Cordier dans un article publié sur Humanite.fr, « l’usage de l’IA générative nous pousse à interroger notre rapport aux sources, à l’information » et de la nécessite d’  « exercer notre capacité à penser d’après nous-mêmes ».

Article rédigé par Anne PETIT et Stéphane FONTAINE.

Question du moment : Utiliser un moteur de recherche ou une IA générative ?

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