Cet article s’inscrit dans les TRAAM 2023-2024 “l’intelligence collective au service des compétences du XXIème siècle”.

La question de l’égalité filles garçons est traitée de façon récurrente au cours de la scolarité et les élèves montrent depuis quelques années une lassitude à « encore » faire un projet sur cette thématique. L’idée générale est : encore, c’est bon, on connaît. On est tous d’accord, filles, garçons, alors pourquoi encore une fois…

 

Ayant décidé avec une collègue d’EMC de participer au concours #zérocliché pour l’égalité filles-garçons, il était important de débuter le projet de façon originale et déconstruire les idées reçues des élèves sur l’intérêt de, encore une fois, travailler sur cette thématique. Mais pour cela, il nous semblait important de libérer leurs paroles. Car comment prendre conscience que, finalement, on ne met pas tous les mêmes définitions derrière les mots et que chacun a sa perception de la réalité. Le simple fait que l’enseignant le dise est loin d’être suffisant.

Un recadrage semblait nécessaire pour amener les élèves à adhérer au projet. Nous sommes donc passées par le jeu Moi c’est madame, la relève et la liberté laissée aux groupes de choisir leur support d’expression.

 

Objectif : réaliser une production numérique, ou non, pour déconstruire les stéréotypes sexistes

 

Cadre de la séquence :

Ressource créée le 20/05/2024

Nom, prénom de l’enseignante documentaliste : Frédérique Verdera

E-mail :

Nom de l’établissement : LPO Claude Nicolas Ledoux (Besançon, 25)

Niveau : 2de générale

Effectif : 33

Domaines d’enseignement : EMI, EMC, documentation

Thèmes du programme : EMC 2de : La reconnaissance des différences, la lutte contre les discriminations et la promotion du respect d’autrui : lutte contre le sexisme

Déroulé : projet annuel, 12h

Matériel : postes informatiques, téléphones portables, webradio, jeu Moi c’est madame, la relève.

Outils numériques : audacity, libre office, Publisher

Mots-clés : Créativité numérique / Coopération / communication

 

Compétences du socle commun :

Domaine 2 : -2.2 Coopérer et réaliser des projets : débattre de manière constructive au sein du groupe, à apporter des idées, à participer de manière efficace à la réalisation du projet, à aider ses camarades ; 2.4 Utiliser des outils numériques pour réaliser une production

Domaine 3 : 3.1 Maîtriser l’expression de sa sensibilité et de ses opinions, respecter celles des autres : formuler une opinion, prendre de la distance avec celle-ci, la confronter à celle d’autrui et en discuter.

CRCN : (domaine 3 et 5) création de contenu, développer des documents visuels, culture informationnelle, communication et collaboration, créativité

 

Description du projet :

Étape 1 : Présentation du projet annuel

L’adhésion au projet ne va pas de soi pour les élèves. Il est donc important de les impliquer dans le projet et de susciter leur intérêt.

La 1ère étape consiste alors à leur faire prendre conscience que, contrairement à ce qu’ils pensent, ils sont loin de partager le même point de vue sur toutes les questions qui relèvent de l’égalité filles garçons. La perception des situations est différente d’un individu à l’autre. La façon dont elles sont vécues également, quel que soit le genre. Il fallait donc travailler sur les compétences psychosociales et notamment la connaissance de soi et la confrontation de ses idées et opinions à celles des autres.

 

Étape 2 : Moi c’est madame, la relève

Nous avons donc fait le choix de les faire jouer au jeu Moi c’est madame, la relève. Ce jeu s’appuie sur la communication à partir de situations problèmes tirées de la vie quotidienne : harcèlement de rue, sur les réseaux sociaux, violences quotidiennes…

Basé sur un principe de « cartes attaques » et de « cartes ripostes », chacun est amené à se positionner et à s’exprimer sur une question commune.

Sur le principe du jeu de rôle, chacun devient à son tour l’« attaquant » (celui qui lit une carte attaque) et choisit parmi les réponses données celle qu’il trouve la plus pertinente et efficace. Les agressé-es ont en main des cartes « ripostes » qu’ils doivent incarnées : des consignes sont données pour leur lecture ou pour leur mise en scène. Ils ont aussi la possibilité d’improviser s’ils le désirent.

Tout le monde est gagnant : tout au long du jeu, chacun accumule les cartes gagnées au cours des battle de punchline. Sur chacune d’elles on trouve des symboles qui, comptés en fin de partie, permettent d’en savoir un peu plus sur soi : sur quel registre de réponse nous sommes le plus à l’aise notamment.

Un des atouts est que les jeunes se l’approprient très rapidement et que les langues se délient comme par magie. Très rapidement ils oublient qu’ils n’avaient pas envie de travailler encore une fois sur ce sujet et que les enseignants sont toujours présents. Il y a bien trop d’enjeu autour de la table.

Le jeu permet d’aborder des situations problèmes tout en restant à distance émotionnelle. Les élèves, qu’ils soient harcelés et/ou harceleurs, ou ni l’un ni l’autre, ne sont pas visés et n’ont ni à témoigner ni à se justifier. Ils débattent de situations fictives face auxquelles chacun a le droit d’avoir un point de vue qui lui est propre. Et c’est cela qui émerge : des réactions différentes. C’est un des atouts de ce jeu : à l’échelle du groupe (5 à 7, en groupe mixte), les différences de compréhension et d’interprétation d’une situation « carte attaque » et les réactions des « cartes ripostes » alimentent les échanges et les débats.

Dans ce contexte, et face aux situations évoquées, les élèves développent diverses compétences psychosociales : connaissance de soi, connaissances de l’autre, capacité d’écoute et de communication.

 

    

 

Ce qui a émergé lors de cette séance :

  • Des différences entre les jeunes :
    • Sur le vocabulaire. Ex : Le sens du mot consentir n’était pas connu de tous les garçons mais une évidence pour les filles.
    • La question qui a créé le plus de débat au sein des groupes :

Ta copine qui te dit : C’est normal qu’il te demande de coucher. C’est ton mec !

Garçons et filles ont très souvent des points de vue totalement différents sur cette situation. Nombreux sont les garçons qui ne comprennent pas le problème que beaucoup de filles y voient. « Il demande, donc il n’y a pas de problème ». Pour les filles, le mot « normal » est un vrai problème : Non, elles n’ont pas envie  de cette demande récurrente sous prétexte qu’ils sont en couple. C’est perçu comme une pression et du harcèlement, ainsi qu’une obligation.

  • La prise de conscience que, si oui, l’égalité filles garçons était importante, pour autant, les violences sexistes ne sont pas appréhendées de la même façon selon les individus, au-delà du genre.
  • Des stéréotypes de genre, des a priori. Et donc de la matière pour travailler sur le projet.
  • Un nouvel intérêt pour le projet : finalement, la confrontation des différents points de vue a permis de faire émerger une motivation à travailler sur cette thématique

 

Étape 3 : Step by step

La classe est très bruyante en ce début d’année et se disperse facilement, surtout dans le CDI qui est très vaste. Le choix est fait de cadrer la séquence avec des travaux à rendre à chaque séance.

Par contre, afin de maintenir l’intérêt pour le projet, nous avons choisi de laisser la liberté du support de communication à chacun des groupes. Ce parti pris repose clairement sur l’objectif d’impliquer les élèves dans le projet. Chaque étape « contraint » le groupe à échanger sur les finalités de leur production et les modalités pour y parvenir. Dialoguer, faire le point sur les compétences singulières et celles à l’échelle du groupe ont été indispensables.

Les élèves voulaient parfois que l’on arbitre leurs différends, ce que nous n’avons pas fait, préférant les renvoyer à ces questions : que voulez-vous aborder comme sujet ? Qu’est-ce qui vous pose problème par rapport à ce constat ou cette situation ? Quelle est votre intention : informer, faire réagir, dénoncer… ? Quel support est le plus adapté pour cela, selon vous et selon les compétences du groupe ? Quelle solution semble la plus pertinente ? Cela suffisait, même si la frustration se sentait chez certain-e-s. Le dialogue est indispensable pour espérer réguler les conflits sociocognitifs et avancer dans une même direction. La situation a ainsi permis de travailler des compétences émotionnelles (gérer ses émotions), sociales (développer des relations constructives et résoudre des conflits) et cognitives (prendre des décisions constructives en faisant des choix responsables).

 

Étape 4 : La réalisation

Les élèves ont travaillé au rythme du cahier des charges. Différents supports de productions ont été choisis : rap, articles de presse, court-métrages documentaires et de fiction, planches de BD, affiches, draw my life, poème.

Les outils numériques utilisés sont très variés. Les élèves se sont appuyés sur leurs connaissances et compétences, sur leurs forces individuelles. Notre accompagnement s’est porté sur des questions relatives aux droits liés à l’image et au droit d’auteur.

Une sitographie de ressources libres de droit pour la musique et les bruitages leur a été fournie afin de limiter les envies d’intégrer le dernier titre en vogue.

 

Étape 5 : Valorisation

Un temps d’écoute et de visionnage en classe a été organisé afin de mettre en valeur tous les projets réalisés.

 

Bilan :

  • L’adhésion au projet : les élèves, assez agités en début de séquence, se sont apaisés au cours de l’année. Ils sont devenus plus autonomes et ont davantage pris d’initiatives.
  • Avoir laissé la liberté du choix du support de communication a, certes pris du temps sur le déroulé de la séquence, mais a surtout été l’objet d’une négociation au sein des groupes : définition de leurs objectifs communs, compétences au sein du groupe.
  • La difficulté pour nous, enseignantes, est alors que nous ne pouvons que peu accompagner les élèves sur le plan technique : chaque groupe a choisi son support de communication et donc un outil, numérique ou pas, et nous n’avions pas les réponses techniques à tous les problèmes rencontrés. Néanmoins, notre accompagnement s’est axé sur des questions plus globales, sur la cohérence de leur projet et la pertinence de leur choix. Cette posture a favorisé le développement de compétences psychosociales chez les élèves. Quelles sont les ressources du groupe et quelles stratégies mettre en œuvre en fonction de celles-ci ?
  • Débuter la séquence par le jeu Moi c’est madame la relève a permis de changer la perception de la thématique par les élèves. Ce jeu amène naturellement les participants à s’exprimer. Les jeunes sont entre pairs, les tables mixtes. Et la prise de parole se fait, des débats se lancent, des quiproquo et des différences de point de vue émergent. Finalement, on n’est pas tous si d’accord. Un bon point de départ pour travailler sur la connaissance de soi et celle des autres, et ainsi travailler les compétences psychosociales.
  • A la demande des élèves, une seconde séance avec le jeu Moi c’est madame, la relève a été mise en place en fin de séquence. Les groupes ont été modifiés par rapport à la première séance. Durant cette heure, les élèves se sont pour la plupart écartés des propositions des cartes ripostes pour s’engager spontanément vers de l’improvisation.

 

Références :

Develay, Michel. Les compétences de vie en classe. Deboëck, 2023

Santé publique France. Les compétences psychosociales : un référentiel pour un déploiement auprès des enfants et des jeunes. 2021

Kit pédagogique pour les séances d’empathie à l’école. Volume 1. MENJ, 01/2024

Kit pédagogique pour les séances d’empathie à l’école. Volume 2. MENJ, 02/2024

Apprendre à coopérer ou coopérer pour apprendre ? Entretien avec Sylvain Connac.-Prof&doc, 01/02/2024. https://documentation.ac-besancon.fr/apprendre-a-cooperer-ou-cooperer-pour-apprendre-entretien-avec-sylvain-connac/

Des compétences pour vivre et pour toute la vie : entretien avec Michel Develay.-Prof&doc, 08/01/2024. https://documentation.ac-besancon.fr/des-competences-pour-vivre-et-pour-toute-la-vie-entretien-avec-michel-develay/

Déconstruire les stéréotypes de genre. Oui ! Mais avant…
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