Depuis plusieurs années le tribunal judiciaire de Besançon et le Conseil Départemental de l’Accès au droit, en collaboration avec l’Éducation Nationale, proposent un concours d’affiches pour la prévention des violences sexistes et sexuelles. Le thème retenu en 2023 était celui du consentement. Ce concours a pour objet de faire réfléchir les jeunes du ressort à la question des stéréotypes et des violences sexistes et sexuelles. Les lauréats sont récompensés lors d’une remise de prix à la Cour d’appel de Besançon en présence de la rectrice, du procureur, du président du tribunal ainsi que l’ensemble des magistrats ayant participé au concours.
Le concours, initié en collaboration avec la DSDEN 25, s’adresse à l’ensemble des établissements de l’académie (classes de l’école élémentaire, de collège et de lycée). Il est également possible de le coupler avec une intervention de magistrats pour les établissements du Doubs.
Nous sommes deux professeurs documentalistes à avoir pris part à ce projet, l’une en collège, l’autre en lycée professionnel. Nous vous proposons d’en découvrir deux déclinaisons.
Le projet a été décliné en collège dans une classe de 4e et en lycée, dans une classe de seconde bac pro ASSP (Accompagnement Soins et Services à la Personne). Il montre également la place que peuvent prendre les professeur.es documentalistes dans l’éducation à la sexualité des élèves. En cela, il vient compléter la réflexion amorcée dans l’article Sex CDI’cation : prof doc et éducation à la sexualité #1.
Description pédagogique
- Mots-clés : CRCN communication et collaboration, CRCN création de contenus, Creatives Commons, culture numérique, cyberharcèlement, cyberviolences, droit à l’image, droit à l’information, éducation à l’image, parcours citoyen, parcours éducatif de santé, recherche d’information, réseaux sociaux, vie privée,
- Socle commun de compétences, de connaissances et de culture : domaine 2.2 : coopération et réalisation d eprojets ; domaine 1.4 : comprendre ; s’exprimer en utilisant le langage des arts.
- Outils numériques : logiciels de publication en ligne Canva et Piktochart.
Descriptif de la séquence
Objectifs pédagogiques de la séquence : Prévenir les violences sexistes et sexuelles. Réaliser des affiches de prévention.
Compétences documentaires : Questionner le sujet problématiser, Rechercher de l’information, Identifier une source citer une source, Trier Sélectionner l’information, Évaluer valider l’information, Restituer communiquer.
Compétences PIX : Informations et données, communication et collaboration, création de contenu, protection et sécurité, environnement numérique.
Production finale : affiche
Évaluation finale : concours
Intervenantes : professeures documentalistes, assistante sociale, infirmière et enseignante en Sciences et Techniques Médico-Sociales et enseignante d’Histoire – Géographie.
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Déroulement en collège en 4e
La participation à ce concours s’inscrit dans le Parcours citoyen de l’élève. Ce travail s’intègre également aux séances d’éducation à la sexualité visant à contribuer à l’apprentissage d’un comportement responsable, dans le respect de soi et des autres.
Cadre :
- Collège Ste Marie – Ornans
- Niveau de(s) classe : 4e
- Durée et nombre de séances : 4 séances
- Discipline et partenaire impliqué : professeure documentaliste (intervenante en éducation à la sexualité) et la professeure d’Histoire-Géo EMC des deux classes.
- Nom de la professeure documentaliste : Amélie Fleury
- E-mail :
Séance 1
Les objectifs de cette première séance sont de différencier les violences sexistes et les violences sexuelles, de reconnaître et de savoir qualifier les différentes formes de violence et de rappeler que la sexualité s’inscrit dans la loi (code civil et pénal).
Elle prend la forme d’un brainstorming autour des termes violences sexistes et violences sexuelles. Tentative de définition et regroupement des exemples sous l’une ou l’autre des deux catégories. Les termes de viol, d’inceste, d’agression, de harcèlement sexuel, de sexisme et de discrimination ont ensuite été définis tels qu’ils le sont dans la loi grâce à un diaporama.
L’échange a également porté sur sur la notion de consentement et sur le cyberharcèlement à caractère sexuel (exemple de photos volées ou diffusées sans accord, droit à l’image, “Dickpick”, “Nude”, accès à du contenu pornographique sans l’avoir recherché …).
Cette séance a permis de rappeler que la loi est une prescription établie par l’autorité de l’État, applicable à tous et définissant les droits et les devoirs de chacun. Il a été rappelé que tout ce qui n’est pas interdit par la loi est autorisé si les personnes concernées sont consentantes.
Les objectifs de cette première séance est de différencier les violences sexistes et les violences sexuelles, de reconnaître et savoir qualifier les différentes formes de violence et de savoir que la sexualité s’inscrit dans la loi (code civil et pénal).
Séance 2
De par la nature du sujet, et s’agissant de collégiens, il nous paraissait hasardeux de laisser les élèves effectuer des recherches sans avoir réalisé une sélection préalable de sites et ressources. Un portail de ressources a donc été créé avec un certain nombre de ressources institutionnelles ou associatives. A ce titre, les sites du centre Hubertine Auclert développés dans le cadre de campagnes de sensibilisation sont particulièrement qualitatifs, adaptés à ce sujet et à ce type de travail de recherche.
Cette deuxième séance a été l’occasion de présenter ce portail et de justifier du choix des ressources. Les groupes composés de 2 à 4 élèves se sont constitués sur la base du choix mais avec une obligation de mixité. Les recherches commencent en groupe sur le portail.
Séance 3
Lors de cette séance, l’objectif pour les élèves va être de définir un angle pour aborder le sujet du consentement et de réfléchir aux éléments qui vont composer leur affiche.
Quel aspect du sujet vont-ils traiter ? A partir d’un sujet comme le consentement il peut y avoir beaucoup de situations abordées. Il s’agit d’un concours, pour retenir l’attention du Jury et faire passer au mieux leur message, leur affiche doit choisir un point de vue original. L’originalité consiste à trouver un angle inédit ou rarement vu pour susciter l’intérêt et éveiller la curiosité. De plus, choisir un angle permet d’éviter les généralités (ex: le viol, c’est mal ! ). Ce travail n’est pas toujours facile, il demande d’avoir une certaine culture de la communication. C’est à cette fin qu’un “mur d’inspiration” regroupant près de 25 affiches de campagnes de prévention et de sensibilisation a été installé au CDI le temps du projet. Il est également nécessaire de passer vers chaque groupe pour prendre le temps d’échanger avec eux et les aider à affiner leurs idées.
Un fiche sur la technique de l’affiche est distribuée aux élèves. Elle reprend les différents éléments attendus (slogan, visuel, argumentaire, et éventuellement donnée chiffrée) et rappelle l’objectif de l’affiche : faire passer un message compréhensible de tous afin d’informer, de convaincre ou de prévenir un danger.
Il faut attirer l’attention (faire peur, faire sourire, éveiller la curiosité, donner un chiffre, ….). L’accroche et le message peuvent être portés par le slogan ou par le visuel.
Il est rappelé que leur visuel devra respecter le droit d’auteur, pour cela il doit s’agir
- soit d’un dessin personnel,
- soit d’une photographie personnelle avec autorisation des personnes qui figure sur la photo (respect du droit à l’image, ces dernières ne devant pas être clairement identifiables),
- soit d’images ou de photographies disponibles dans la banque d’images du logiciel de conception de l’affiche (Canva ou Piktochart).
Recherches au brouillon.
Séances 4 et 5
Création des affiches au format papier ou via une application.
Présentation à l’oral des affiches au reste de la classe.
Bilan et prolongement
Cette action pourrait être qualifiée de stratégie participative, dans le sens où les élèves ont eu une liberté de décision et de réalisation importante (ils ont pu choisir le sujet sur lequel ils souhaitaient travailler). Leur implication et le fait d’avoir tenu compte de leurs envies, avis et idées a été un facteur d’efficacité. Les échanges lors des séances se sont révélés particulièrement riches et respectueux. Les élèves avaient le choix de leur sujet dans l’une ou l’autre thématique. 16 affiches ont été réalisées, réparties comme suit :
Violences sexistes | Violences sexuelles |
Préjugés sexistes 3 | Agression sexuelle et viol 3 |
Insultes sexistes 2 | Inceste 5 |
Inégalités de traitement entre fille et garçon (ici sur la tenue vestimentaire) 1 | Cyberharcèlement et violence en ligne 1 |
Cyberharcèlement à caractère sexiste 1 |
Les échanges autour de situations concrètes de violences sexistes ou sexuelles ont permis d’aborder des situations réelles relevant de violences sexuelles dans la vie courante. Les discuter ensemble et les analyser a permis de réfléchir à des comportements adaptés. La thématique de la jalousie dans les relations amoureuses et de la violence qu’elle peut entraîner à également été débattue. Le sujet a clivé les classes et mériterait qu’une séance y soit consacrée (“La jalousie est-elle une preuve d’amour ?”).
J’ai été surprise de constater qu’autant de groupes avaient choisi d’aborder la question de l’inceste dans leur affiche. Lors de la présentation orale de leur affiche les élèves ont rappelé que 1 français sur 10 affirme avoir été victime d’inceste (1) et que, en 2019, les mineurs représentent 55 % des victimes de violences sexuelles (2). A la lecture de ces chiffres on mesure l’importance de mener en milieu scolaire des séances autour des violences sexuelles. D’autant plus que le développement des compétences psychosociales mobilisées dans un projet comme celui-ci favorise la demande d’aide et de soutien avec identification des personnes et des lieux ressources.
(1) sondage ipsos pour l’association “Face à l’inceste” 2020 http://aivi.fr/doc/Ipsos_Face_a_l’inceste_Rapport.pdf
(2) Lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, 2020
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Déroulement en lycée professionnel en seconde bac professionnel Accompagnements Soins et Services à la Personne
Cadre
- Lycée professionnel Toussaint Louverture à Pontarlier (25)
- Niveau de classe : seconde bac pro ASSP (Accompagnement Soins et Services à la Personne)
- Nombre d’élèves concernés : 30
- Durée et nombre de séances : 4 séances
- Discipline et partenaires impliquées : professeure documentaliste, professeure de Sciences et Techniques Médicosociales, infirmière scolaire et assistante sociale
- Référentiel du bac pro ASSP en enseignement professionnel : BLOC de compétences n° 4 : réaliser des actions d’éducation à la santé pour un public ciblé, dans un contexte donné. Compétences développées : participer à une campagne de prévention, identifier partenaires et dispositifs, élaborer un support de prévention. Savoirs associés de biologie : anatomie des appareils génitaux, puberté, contraception, IST.
- Nom de la professeure documentaliste : Valérie Liger
- E-mail :
Même si les quatre intervenantes ne sont pas toutes présentes lors des séquences pour des questions du planning, la progression et le contenu des séquences a été vu en concertation. Le projet proposé initialement par l’infirmière scolaire à l’ensemble des enseignants s’inscrit dans un référentiel.
1e séance : enseignante de SMS, infirmière et assistante sociale
- Cette séance permet de poser le cadre du concours et de donner les clés de compréhension sur la notion de consentement.
- Présentation du projet : il s’agit d’un concours d’affiches dénonçant les violences sexistes et sexuelles. Il est porté par le Tribunal de Besançon. Il s’inscrit dans le référentiel des sciences médicosociales mais aussi dans les projets portés par le CESC.
- L’équipe éducative pose le cadre des échanges (respect des opinions divergentes, confidentialité…).
- Brainstorming pour partir des connaissances élèves sans trop induire – ce que les élèves savent et en pensent :
- Débroussailler le thème
- Donner son accord / accepter – sentir ensemble
- Étymologie du mot « consentement » selon Alain Rey : elle renvoie à « cum » (avec) et à « sentir » pris au sens « d’être du même sentiment ».
Nous proposons ensuite de découvrir une vidéo qui illustre ce qu’est le consentement à travers la métaphore de la tasse de thé et les différentes alternatives auxquelles on peut se retrouver confronté.
- Que dit la loi ?
LOI n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste (1)
Depuis, toute pénétration sexuelle et tout acte bucco-génital, même sans violence, contrainte, menace ou surprise, seront considérés comme un viol s’ils sont commis :
– sur un mineur de moins de 15 ans par un majeur ayant une différence d’âge d’au moins 5 ans,
– sur un mineur de moins de 15 ans par un majeur lorsqu’il s’agit d’un acte prostitutionnel, quel que soit leur écart d’âge,
– sur tout mineur par un majeur, lorsqu’il s’agit d’une relation incestueuse.
- Les affiches : à partir d’une sélection d’affiches, la classe est invitée à se poser des destinataires du message, et de son contenu. Ces deux éléments essentiels seront le point de départ de leur travail en groupe, avant de se réfléchir au visuel et au slogan.
Des règles de base sont donnés pour la composition de l’affiche, comme le sens de lecture, les couleurs. Des outils sont proposés tels que le logiciel de PAO Publisher et l’application en ligne Canva, les groupes choisiront leur outil numérique. Un rappel concernant le droit l’utilisation des images est fai . Une sélection de banques d’images libres de droit est proposée.
Les groupes se constituent librement avec deux ou trois élèves.
2e séance : enseignante de SMS et professeure documentaliste
Cette séance permet dans un premier temps de partager des ressources et des partenaires institutionnels à propos des violences sexuelles et sexuelles. Nous incitons les élèves à aller s’informer ! C’est d’autant plus important qu’ils se destinent à des métiers dans les métiers du soin et du social ! Une sélection est partagée sur le portail documentaire du lycée.
Dans un deuxième temps, nous rappelons quelques règles importantes pour réaliser une affiche. Les groupes se constituent et commencent à réfléchir : une fiche leur est donnée pour guider leur réflexion.
- Lieux d’information sur le sujet
- Pour donner un cadre au travail des groupes, une fiche doit être complétée. Elle permet de réfléchir à l’affiche en se plaçant dans une situation de communication : quel est le destinataire, qui interpelle-t-on (un potentiel agresseur ? une victime potentielle ? un agresseur avéré ? une victime avérée ? ) ? Quel message voulons-nous délivrer ?
3e séance : enseignante de STMS et assistante sociale
- travail de recherches et échanges d’idées par groupe. Les élèves doivent avoir compléter leurs fiches avant de se lancer dans la réalisation de leur affiche. Prise de photos ou dessins.
4e séance : enseignante de STMS et professeure documentaliste
- finalisation des affiches, impression en double, envoi pour le concours et affichage dans le lycée le 8 mars.
Bilan et prolongement
Le sujet a intéressé les élèves. La classe en très grande majorité composée de filles s’est sentie concernée. Certains groupes ont envisagé leur affiche en se focalisant sur les enfants, d’autres ont préféré faire une action de sensibilisation auprès des potentiels agresseurs. Les techniques sont diverses : deux dessins à la main ont été proposés, des photos des élèves mises en scène ont été prises, d’autres ont utilisé des images libres de droits (photos et illustrations). On peut remarquer que les slogans ont posé des difficultés : certains groupes n’ont pas su se limiter à une phrase choc et ont multiplié les phrases : l’impact s’en trouve dilué. Même si aucune affiche n’a été primée, les élèves sont plutôt fiers de voir leurs travaux afficher dans le lycée.
Ce projet s’est avéré être le point de départ du chef d’œuvre que les élèves commenceront en classe de première : il sera consacré à la condition féminine, et particulièrement au droit des femmes à disposer librement de leur corps et à la loi Veil. Il sera interdisciplinaire : lettres, histoire-géographie, éducation à la santé et EMI.
Rappel :
La formation d’intervenant en éducation à la sexualité, qui peut-être suivie par chaque enseignant qui le souhaite, permet d’aborder sereinement les questions et questionnements qui peuvent être soulevés lors de de ce travail. Elle permet d’être juste dans la posture (place et rôle de l’enseignant), dans l’animation du groupe classe quant à la construction de réponses collectives et dans la relation éducative propre à la promotion de la santé et la prévention.
Liens utiles :
Fiche ressource – Rerérer les situations de violences sexuelles à l’École et agir)
Civise, Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants
Article rédigé par Amélie Fleury et Valérie Liger