Bousculades, insultes, détérioration de matériel, publication de photos intimes sur les réseaux sociaux, 10% environ des élèves en France sont concernés par le harcèlement scolaire, qui peut avoir d’importantes conséquences sur ses victimes, des troubles du sommeil à la phobie sociale, en passant par l’anxiété et la dépression, voire, chez les plus fragiles, des conduites suicidaires.

Ce n’est qu’à partir des années 1970 qu’émerge le concept de harcèlement scolaire et qu’il devient objet d’étude, suite aux travaux de deux psychologues scandinaves : Anatol Pikas et Dan Olweus.

Auparavant, cette forme de violence entre pairs a longtemps été englobée dans la problématique de la violence scolaire en général. Malgré une approche différente du phénomène, entre prédominance de la pression du groupe pour Pikas (« mobbing », terme anglais formé à partir du verbe to mob (attaquer, assaillir) et renvoyant à the mob (la foule), et vision plus psychologisante et individualisante pour Olweus (« bullying », formé à partir du verbe to bully (maltraiter, tyranniser) et renvoyant à la figure du bully (la brute, le tyran), on s’accorderait aujourd’hui à définir le harcèlement comme une violence répétée, dans le cadre d’une relation asymétrique (l’agresseur exerce une domination physique ou psychologique), et une intention de nuire.

Lutte contre le harcèlement : des approches multiples

Pour lutter contre le harcèlement scolaire, plusieurs programmes d’intervention ont vu le jour dans divers pays :  

  • le premier programme de prévention du harcèlement a été créé à la fin des années 80, en Norvège, à la suite du suicide de trois élèves âgés de 10 à 14 ans qui avaient été harcelés par leurs camarades de classe ; il reposait sur une liste de sanctions, règles de vie, mise en place de débats à l’échelle de l’établissement … il sert encore de référence à l’heure actuelle.
  • Par la suite plusieurs nations ont développé des modèles d’intervention, certains concernant uniquement les élèves auteurs d’actes de harcèlement, d’autres s’adressant à l’ensemble des élèves (victime, témoin, auteur).

En France, la loi de refondation de l’école du 8 juillet 2013 marque un tournant dans la prise en charge du phénomène ; le harcèlement scolaire est reconnu comme tel, s’ensuivent plusieurs actions concrètes telles que la création d’un numéro d’appel, des ressources pédagogiques mises à disposition des personnels et une journée de mobilisation nationale.


La rentrée 2023 définit la lutte contre le harcèlement comme une priorité nationale
. Le programme pHARe est ainsi généralisé dans toutes les structures scolaires, avec pour pilier la prévention, la formation d’une communauté protectrice autour des élèves, et la méthode de préoccupation partagée visant le soutien de l’élève victime, mais aussi le changement de posture de l’élève auteur et des témoins, héritée des travaux d’A. Pikas. Afin de mettre en oeuvre ce programme, un personnel référent harcèlement est nommé dans chaque EPLE, en appui au chef d’établissement.

Le développement des compétences psychosociales pour améliorer le climat scolaire

De nombreuses études ont mis en évidence différents facteurs de risque et de protection reliés à la violence à l’école, tels que la famille, les pairs, le climat scolaire et les compétences psychosociales (CPS). Le développement des CPS, en favorisant l’autonomisation et en renforçant le pouvoir d’agir (empowerment) des élèves constitue en effet un puissant levier d’action pour lutter contre le harcèlement.

Ces aptitudes non disciplinaires, transversales et transférables, peuvent être abordées dans le cadre du Parcours citoyen de chaque élève par l’ensemble des membres de la communauté éducative. A cet égard, le fait de sortir les actions CPS du champ psychologique et de le relier à la réussite scolaire pour impliquer l’ensemble des personnels est un élément clef de réussite.

Elles sont petit à petit reconnues par l’Ecole et ont fait l’objet de plusieurs directives nationales, depuis 1994 et leur identification officielle par l’OMS.

 

Le rôle des professeures et professeurs documentalistes

Les professeures et professeurs documentalistes, par bien des aspects, contribuent naturellement à l’amélioration du climat scolaire et au développement d’un certain nombre de CPS :

  • Par leur expertise sur la thématique du cyber-harcèlement et leurs interventions centrées sur la maîtrise des réseaux sociaux (pensée critique)

  • Par leur disposition à travailler en pédagogie de projet, permettant de balayer un large champ de compétences psychosociales chez les élèves telles que la prise d’initiative, la communication, la résolution de problèmes, la connaissance de soi ….  
  • Par la mise à disposition de ressources en fiction et documentaire.
  • Par l’organisation de lespace du CDI : créer un espace favorisant le bien-être de chaque élève, en aménageant des zones adaptées aux besoins multiples, permet d’agir positivement sur les interactions sociales (réguler ses émotions).

 

Cette réflexion sur l’espace trouve écho du côté du développement des salles zen  au sein du pôle médico-social ou encore des projets innovants d’aménagement des cours d’école proposant aux enfants des zones de calme, de  nature, de création, de jeux de balle…

La clef réside sans doute dans le fait de repenser les espaces à l’échelle de l’établissement.       

 

Mon expérience en tant que référente harcèlement

  • L’enquête locale de climat scolaire  a révélé dans mon lycée une tendance à la banalisation des micro-violences : des insultes et des petites moqueries régulières et tolérées, qui s’érigent petit à petit en norme, terreau idéal pour générer des phénomènes de harcèlement graves. Or, le fait de se centrer uniquement sur les processus individuels risque d’invisibiliser le rôle-clef du climat scolaire global sur ces phénomènes.
  • En parallèle du protocole national mis en place dans les cas de faits de harcèlement avérés visant les auteurs et victimes, j’ai donc souhaité travailler à l’échelle de la classe, pour travailler et agir sur la dynamique de groupes. Il semblerait d’ailleurs que les interventions ayant pour objectif de réduire la victimisation trouvent leur réussite par les actes des témoins et le fait d’aider les victimes à réagir au harcèlement (la thérapeute Emmanuelle Piquet, formée à la thérapie brève selon Palo Alto, propose d’ailleurs de se centrer sur la victime et de l’outiller à se défendre et à répliquer face à son agresseur).

J’ai pour ma part, en tant que référente harcèlement, cherché à mettre en place des actions afin d’agir sur les témoins et ai ciblé deux habiletés psychosociales : l’empathie (identifier les émotions des autres) et l’alexithymie (identifier les siennes), qui sont au cœur des difficultés relationnelles entre pairs.

Zoom sur quelques actions expérimentées cette année !

Mon bilan

  • Par sa position centrale  au sein de l’établissement et son identité plurielle, le professeur-documentaliste est à même de jouer un rôle déterminant dans la lutte contre le harcèlement à l’École.
  • Les actions que j’ai pu développer en tant que référente harcèlement ont rejoint assez naturellement mes missions de professeure-documentaliste :  interventions pédagogiques visant le développement des CPS, partenariat et co-intervention avec les personnels de vie scolaire et du pôle médico-social, travail sur les espaces au CDI pour favoriser le bien-être, organisation d’actions dans le cadre du parcours citoyen, politique d’acquisition adaptée… tout autant d’ outils à notre portée dont beaucoup d’entre nous se saisissent déjà, très certainement parce que le CDI constitue déjà, en soi, un outil d’apprentissage du vivre-ensemble.
  • Au-delà de la gestion des situations de harcèlement identifiées, le travail de prévention ne peut que s’envisager de manière collective et à l’échelle de l’établissement. Des dispositifs agissant sur le climat scolaire global tel que le Soutien aux Comportements Positifs permettent d’agir en amont sur les comportements inappropriés et d’impliquer l’ensemble des membres de l’équipe éducative, mais cela implique un changement de posture professionnelle total, jusque dans la salle de classe…

 

Ressources complémentaires 

Prof-doc et personnel référent pour le harcèlement

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