Selon le guide #Datamind Tendances 2022 TikTok en France et dans le Monde, ce réseau social est principalement plébiscité par les jeunes. Dans l’hexagone, 70% des utilisateurs ont plus de 18 ans et son usage chez les 16-25 ans a progressé de 28% entre 2019 et 2020. Si la tranche d’âge des 11-14 ans remporte le palmarès en termes d’utilisation avec un taux de 50% en 2020, les 15-18 ans  se sentent moins concernés (34%), malgré une consultation quotidienne estimée à 24 minutes (chez les 15-24 ans).

Nous avons souhaité confirmer ces chiffres auprès des élèves de la classe de 1STMG 2 du lycée Georges Colomb. Sur les 28 élèves de la classe, la majorité  sont inscrits sur TikTok hormis deux d’entre eux. La plupart consultent les vidéos apparaissant dans leur fil, les likent et les partagent. Seuls quelques-uns se prêtent au jeu de la production vidéo ; activité qui reste irrégulière d’après leurs propos.

Cette expérience, qui s’inscrit dans le cadre des TRaAM EMI 2021-2022, s’appuie sur les pratiques numériques et sociales des élèves, et cherche à évaluer l’impact de l’utilisation de la plateforme dans un champ strictement scolaire.

Le contexte d’apprentissage peut-il constituer un frein à la créativité des élèves, qui exploitent plus aisément TikTok dans la sphère privée ? 

(Source : les chiffres essentiels pour comprendre TikTok en infographies et graphiques)

1. Qu’est-ce que TikTok, comment fonctionne-t-il ?

Si son nom vous est familier, il est tout de même nécessaire d’apporter un éclairage pour comprendre en quoi TikTok est la plateforme favorite de la génération Z.

D’après Wikipédia, TikTok est une application mobile de partage de courtes vidéos (accompagnées de musique et d’une durée variant de 15 à 180 secondes) et de réseautage social. Lancée en 2016, elle a été développée par l’entreprise chinoise ByteDanse, dont le logo évoque une note de musique. En 2020, TikTok devient l’application la plus téléchargée dans le monde devant Facebook.

La plateforme consiste à visionner, réaliser et partager des “short” vidéos sur ses hobbies. Elle permet à ses utilisateurs de poster des vidéos sur lesquelles ils chantent ou dansent en playback sur des fonds musicaux choisis dans une bibliothèque très éclectique. Les vidéos peuvent être modifiées à l’aide de filtres et d’effets visuels. Une fois partagés, les clips défilent sur la page d’accueil de l’application et peuvent être « likés » et/ou commentés par les autres utilisateurs ou abonnés.

Pour capter l’attention des jeunes et les pousser à produire du contenu, TikTok propose également des challenges. Chaque semaine, les utilisateurs doivent réaliser des sketchs vidéo sur un thème ou une chanson donnée. Les challenges sont accessibles depuis la page d’accueil de l’application ou via l’onglet de recherche qui les répertorient sous forme d’hashtags (#).

2. Cadre pédagogique

3. Contextualisation et déroulé du scénario 

Durant le mois de mars et à l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, deux outils en faveur de l’égalité entre les femmes et hommes ont été proposés à l’ensemble de la communauté éducative, et mis à disposition par la Mission départementale aux droits des femmes et à l’égalité et le CIDFF (Centre d’information des droits des femmes et des familles) : 

Ces deux supports, exposés au CDI et dans le hall du lycée, ont été le point de départ de la séquence qui vise à produire une vidéo informative à la manière de TikTok sur les inégalités femme-homme persistantes dans le monde professionnel.

Le réseau social TikTok est envisagé ici comme un outil au service des apprentissages et comme une action pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. Les notions de sécurité des données personnelles et de protection de la vie privée (domaine 4 du CRCN) ne sont pas abordées, mais peuvent faire l’objet de prolongements.

Objectifs généraux :

  • Identifier les inégalités femme-homme dans le monde professionnel,
  • Déconstruire les stéréotypes,
  • Lutter contre les discriminations,
  • Identifier les codes d’une vidéo TikTok et la transposition de ce format par les médias,
  • Réaliser une vidéo à visée informative,
  • Produire un contenu vidéo au format “short” (à la manière de TikTok), d’une durée de moins de 3 minutes.

Compétences du CRCN travaillées :

  • Mener une recherche d’information,
  • Produire et publier un document multimédia,
  • Adapter le contenu de la vidéo à sa finalité (informative),
  • Sensibiliser aux droits des femmes dans le monde professionnel,
  • Citer ses sources et respecter le droit d’auteur,
  • Travailler en équipe, collaborer dans un groupe.

Quatre séances ont rythmé le projet :

  • Séance 1 (2h) avec l’enseignante en droit et économie : visite et exploitation pédagogique des deux expositions par la classe.
  • Séance 2 (1h) : présentation du projet, définition du réseau social TikTok dont l’identification des codes à partir de l’analyse d’un cas concret, TikTok et la sphère journalistique (pratique médiatique et informationnelle).
  • Séance 3 (2h) : constitution des groupes, choix des sujets d’après les expositions, recherche informationnelle,  collecte et prise de notes, redocumentarisation.
  • Travail en autonomie des groupes : enregistrement, montage (durant les vacances scolaires).
  • Séance 4 (1h) : visionnage des vidéos, évaluation sommative des groupes, vote et bilan de la séquence.
Cliquer sur l’image pour accéder aux fiches descriptives des séances

4. Les apports de la recherche pour répondre à la problématique

Sternberg et Lubart (1999) proposent une approche multivariée de la créativité selon laquelle le potentiel créatif de chaque individu va s’exprimer selon plusieurs facteurs : cognitifs, conatifs, émotionnels et environnementaux. 

  • Les facteurs cognitifs : Lubart et al. (2015) ont défini huit capacités intellectuelles facilitant et influençant la pensée créative.
La créativité. CAREducativ
  • Les facteurs conatifs permettent d’ expliquer les différences de potentiel créatif entre les individus. Ils peuvent être définis par différents aspects comme les traits de personnalité et la motivation.
  • Les facteurs émotionnels influencent de manière complexe la créativité (Laustriat et Besançon, 2016). Des recherches ont montré que la nature de la tâche créative influence la relation entre émotions et créativité, de même que le niveau d’éveil des émotions (Lubart et al. 2015).
  • Les facteurs environnementaux concernent l’environnement familial, scolaire, culturel.

L’environnement scolaire : la représentation que l’enseignant se fait de l’enseignement, sa conception des situations d’apprentissages, ses attentes, sa manière d’enseigner et de concevoir sa relation aux élèves, sa manière d’organiser sa classe dans le temps, dans l‘espace, son positionnement dans la classe  influencent fortement la créativité des élèves.

Dans le contexte d’application du projet, nous avons fait le choix de laisser une certaine liberté d’action aux élèves, de manière à favoriser leur créativité. Si des freins possibles existent, nous pouvons les attribuer à :

  • Une créativité individuelle inhibée par les ressources psychologiques de l’individu (motivation intrinsèque). Sa personnalité, son ouverture aux autres, sa curiosité, sa prédisposition à la créativité sont autant de ressources mobilisées,
  • Les obstacles à la créativité sont d’ordre émotionnel,
  • Le climat créatif intragroupe peut impacter la capacité créative des membres du groupe (motivation extrinsèque). La “performance” créative d’un groupe dépend de ses caractéristiques, de sa composition, de son mode de fonctionnement.

La créativité est tributaire des traits de la personnalité (Barron et Harrington, 1981), d’aptitudes particulières et de l’environnement dans lequel se déroule l’acte de création.

(Source : La créativité. CAREducativ. En ligne : https://careducativ.com/la-creativite/)

5. Suite au vote, le duo gagnant

Avec l’aimable autorisation des élèves et de leurs représentants légaux.

6. Bilan et conclusion 

“Le créatimètre”

Sur les 25 élèves présents lors de la dernière séance, 22 sont satisfaits du projet proposé par les enseignantes.

Pour ce faire, nous leur avons demandé d’évaluer leur créativité sur une échelle de 1 à 5. Huit d’entre eux ont attribué la note de 5, quatorze élèves les notes de 3 et 4.

Dix-neuf sont satisfaits du résultat de leur vidéo.

Sondage réalisé avec l’application Digistorm de La Digitale

Finalement, et malgré une liste d’outils proposés et recommandés en amont, les élèves se sont tournés vers leurs outils de prédilection : la caméra de leur smartphone, TikTok, une application de montage vidéo téléchargée sur leur PC. D’autres, par timidité et par crainte d’être exposés, ont préféré utiliser l’application Powtoon. Nous leur avions laissé ce choix et cette liberté lors de la présentation du projet.

  • TikTok permet à quiconque de devenir un créateur et encourage ses utilisateurs à partager leurs passions et expressions créatives à travers leurs vidéos. Ce réseau social représente un vaste terrain de jeu (ré)créatif.
  • Ce type de réseau social remodèle la manière dont la culture est produite et modifie considérablement le format des communications. Les possibilités créatives de TikTok sont infinies, ce qui constitue un outil au service de la créativité et de l’expression des jeunes.
  • Dans un cadre pédagogique, il offre la possibilité aux élèves de développer de nouvelles compétences numériques sans limite à leur créativité. Il reste cependant la question de l’exposition représentant un frein pour certains. 
  • Créer des vidéos à la manière de TikTok a démontré le potentiel de la plateforme à des fins pédagogiques. Les utilisateurs disposent d’une boîte à outils bien fournie : des quantités de filtres, une bibliothèque de sons, d’effets spéciaux et de stickers pour accompagner et agrémenter les vidéos. C’est un des aspects positifs, qui permet à l’application de se démarquer des autres réseaux sociaux : elle laisse libre court à la créativité et ne nécessite pas de connaissances particulières en montage vidéo.
  • Mettre en œuvre une pédagogie de la créativité suppose pour l’enseignant de considérer différents paramètres : les quatre facteurs cités plus haut, les compétences satellites de la créativité, les éléments d’espace, de contexte d’apprentissage et les modalités pédagogiques décrites sur l’infographie ci-dessous.

Comment les softkills ne sauraient être envisagées séparément : l’exemple de la créativité. Dominique Geimer. Avril 2022

7. Prolongements possibles

  • Le modèle commercial de TikTok,
  • Etudier l’émergence des médias et des nouveaux médias (indépendants) sur TikTok,
  • La vulnérabilité de la plateforme (cyberharcèlement, collecte et traitement des données personnelles, CNIL et RGPD),
  • Les déviances dans la sphère politique et électorale (influences politiques cachées), durant la pandémie, etc (désinformation),
  • Censure et propagande,
  • Les avantages et la plus-value de TikTok.

TikTok : un espace de créativité pour les apprentissages ?

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